Par Laurent Brayard

Dans la suite des historiques des bataillons spéciaux de représailles qui furent créés par l’Ukraine, voici donc Dniepr-2. Comme ces confrères son histoire a été émaillé de tueries et d’exactions dans le Donbass, et s‘est illustré dans l’horreur des premières années de la guerre. La ville de Dniepropetrovsk fut le théâtre d’événements passés sous silence à l’époque (2014-2015). Se trouvant sur la fracture du Dniepr, cette grande ville était une clef pour le contrôle de l’Est de l’Ukraine et endiguer le vent de révolte qui soufflait dans l’Est de l’Ukraine. Le Maïdan avait été accueilli froidement dans cette région russophone, d’autant que la ville avait une longue histoire russe. Fondée en 1776, elle le fut par les Russes sous le règne de la Grande Catherine et porta même longuement son nom (Ekaterinoslav) jusqu’en 1926. Pour la dé-russifier, il fallut à l’Ukraine se montrer féroce, et elle mit en œuvre d’importants moyens pour empêcher que cette ville ne prit fait et cause pour les populations russophones (printemps 2014). La ville était en effet résolument tournée vers l’Est, possédant même deux jumelages avec la Russie (Krasnoïarsk et Samara), un avec l’Ouzbékistan (Tachkent) et deux avec la Chine (Dalian et Xi’an). C’est ainsi que Dniepropetrovsk fut rapidement occupée et envahie par des « patriotes » des compagnies de défense du Maïdan, renforcés par des locaux, des mercenaires et des désœuvrés attirés par les salaires offerts, pour la création des bataillons de représailles devant terroriser les populations du Donbass.

De la formation à l’envoi contre les populations du Donbass.

Les premiers bataillons de liquidateurs ayant été formé au printemps 2014 (Aidar, Azov, Donbass etc.), l’oligarque mafieux Igor Kolomoïsky continua de se forger une armée privée qu’il finança de ses deniers et de fonds américains. Le Ministère de la Défense d’Ukraine s’était déjà compromis dans l’acceptation de la formation de ces unités et donna bientôt l’aval pour former deux autres unités d’ultranationalistes (10 mai). Un appel fut lancé… non pas dans la ville peu incline à se mobiliser, mais dans tout l’Ouest du pays pour rassembler des volontaires. De manière assez ridicule, il était fait appel « aux patriotes ukrainiens pour venir en aide à nos frères et sœurs des régions de Donetsk et de Lougansk », en affirmant qu’une invasion russe était en cours. Il n’était pas fait mention du fait que dans le Donbass, il n’y avait pas le moindre soldat russe, et que les « frères et sœurs » du Donbass étaient en réalité en insurrection contre le régime de Kiev, totalement choqués par les massacres tout frais d’Odessa (2 mai) et de Marioupol (9 mai). Le bataillon fut entraîné à la hâte et pourvue simplement d’armes légères, puis très vite envoyé dans le Donbass (juin/juillet). En compagnie d’Azov, il marcha d’abord sur Volnovakha (qui ne fut jamais totalement prise) et terrorisa les populations sur son chemin. Les premières exactions et massacres de civils avaient provoqué un exode important de populations, environ 1,5 millions de personnes s’enfuirent devant l’avance sanglante de ces bataillons néonazis.

Mais les choses se gâtèrent rapidement, lorsque les insurgés s’organisèrent et que les hommes du Donbass commencèrent à affluer pour défendre leurs familles et leur terre menacées. Le bataillon qui n’avait plus affaire à des hommes sans armes, ou des femmes et des enfants, commença à essuyer de sévères pertes et fut menacé même de destruction durant la bataille d’Ilovaïsk (août/septembre). Une partie du bataillon fut encerclé et taillé en pièces, sa valeur combattante était de toute façon très faible. Les soldats de Dniepr-2 n’étaient en effet constitué que de « gamellards », pointant surtout au bataillon pour l’appât du gain. Ces hommes relativement âgés, en témoignent les cadavres qu’ils laissèrent sur le terrain (35-45 ans), s’étaient par ailleurs livrés au pillage. Battus à plate couture, le bataillon se fraya un chemin vers ses lignes, abandonnant butin, armes, bagages, morts et prisonniers et fut renvoyé vers l’arrière (septembre 2014). La justice militaire ukrainienne s’empara de l’affaire, via le procureur militaire qui entama diverses procédures disciplinaires contre les soldats de l’unité. Il en résulta la destitution du chef de bataillon Pasichniouk (octobre), et un début de désobéissance, les hommes refusant un nouveau chef. Une fois de plus, les prisonniers n’avaient pas été maltraités par les Russes, contrairement au triste sort qui attendait les soldats insurgés. Certains furent échangés et déclarèrent ne pas avoir été battus, mais… humiliés verbalement !

De la reformation à la dissolution d’une unité de soudards.

Renvoyés à l’arrière à Dniepropetrovsk, ce bataillon de l’armée privée Kolomoïsky fut renfloué et réarmé, puis transformé en bataillon d’infanterie motorisé (novembre 2014). Il fut envoyé à l’arrière du front de Lougansk, pour participer à des opérations de police en deuxième ligne, sur le front du Donbass (Severo-Donetsk). Il resta ensuite en ligne dans ces positions, puis du côté d’Avdeevka. Tout au long de son existence, de nombreux scandales et problèmes jalonnèrent son histoire : conflits et bagarres entre soldats, alcoolisme endémique, disparition des salaires, manque de munitions, elles aussi envolées, et n’ayant pas reçu à sa formation en unité motorisée, les véhicules et engins promis. Ceci conduisit à des déclarations assassines dans la presse, désobéissance et même « piquets de grève ». Sous la pression des familles des « patriotes » du bataillon, il fut lancé un appel à ce que les conscrits de Dniepropetrovsk remplacent ces hommes… Pour tenter de remplir les rangs, l’Ukraine avait lancé des mobilisations de conscrits dans le pays (2014-2016), toutes plus catastrophiques les unes que les autres. Les jeunes de Dniepropetrovsk, massivement contre la guerre, ou carrément pour les insurgés du Donbass se cachaient ou s’étaient enfuis en Russie, en Pologne ou ailleurs. Malgré les appels, et la constatation du manque d’équipements (pas plus de 10 gilets pare-balles (août 2014), le bataillon fut tout de même envoyé dans la fournaise du Donbass. Le bras de fer entamé par le gouvernement de Kiev avec le réseau mafieux d’Igor Kolomoïsky, qui fut bientôt destitué par le président Porochenko (25 mars 2015).

De très fortes pressions furent opérées contre les bataillons spéciaux, qui par ailleurs ne furent pas tous dissous, bien que le chef de la police politique ukrainienne, le SBU, Valentin Nalyvaychenko eut affirmé que les volontaires devraient intégrer la Garde Nationale ou démissionner et rendre leurs armes. De fortes résistances eurent lieues, car Dniepr-2 comme les autres, étaient financés comme nous l’avons vu par des fonds privés, notamment venus des USA, mais aussi du Canada (et du monde entier). Très visibles à l’époque, mais jamais signalés par les médias occidentaux, des rabatteurs de fonds existaient sur les réseaux sociaux, comme la chanteuse ultranationaliste Sofiya Fedyna (nous aurons à y revenir). Liée à des lobbyings américains, canadiens, australiens et dans toute la diaspora ukrainienne dans le monde, elle collecta des millions de dollars en parcourant le monde, rencontrant de nombreuses personnalités très généreuses, comme le triste John McCain. Ce flot d’argent privé et « d’aides humanitaires », terme qui a été employé à l’envie, a inondé les bataillons spéciaux (à défaut d’armes !), jusqu’à gaver les oies évidemment très peu décidées à lâcher un filon aussi juteux. Malgré les tentatives de désobéissance, parfois armées, les scandales étalés, les bataillons spéciaux de Kolomoïsky qui cachaient tout un trafic de contrebande, durent en partie se plier à l’ère nouvelle. Trop visibles dans leurs exactions, meurtres de civils et pillages, leurs réputations en lambeaux, jusqu’à l’internationale, certains bataillons dont Tornado et Dniepr-2 furent donc dissous. Après bien des atermoiements, Dniepr-2 fut renvoyé à l’arrière et officiellement dissous… En réalité transformé en un bataillon de la 55e brigade d’artillerie séparée (fin 2016).

Le bataillon fut épinglé comme Dniepr-1, pour des crimes de guerre et à ce jour, aucun des responsables n’a été traduit devant un tribunal. Officiellement en Occident, tout ceci n’est que de la propagande russe…

Laurent Brayard pour le Donbass Insider

Source : Donbass Insider
https://www.donbass-insider.com/fr/…

Notre dossier Donbass
Notre dossier Ukraine