Par Moon of Alabama

Ghani demande un cessez-le-feu

Par Moon of Alabama – Le 4 mai 2021

Lorsque l’administration Biden a annoncé que les États-Unis allaient se retirer de l’Afghanistan, j’ai essayé de prédire ce que feraient les talibans :

Biden ayant annoncé une date limite pour ce retrait, il est probable que les talibans prolongeront leur cessez-le-feu avec les États-Unis jusqu’à ce jour, mais qu’ils poursuivront leur combat contre les forces gouvernementales afghanes et ISIS. Ils attendront probablement que le dernier soldat étranger soit parti pour envahir les villes que les forces gouvernementales tiennent encore. Il est alors probable que les forces gouvernementales s’effondreront et que les seigneurs de guerre qui règnent actuellement sur Kaboul se battront entre eux et contre les talibans. Un an ou deux plus tard, les talibans contrôleront l’ensemble du pays.

La première phrase semble se vérifier jusqu’à présent. Samedi, un unique missile a été tiré sur la base aérienne de Bagram. Mais il n’a causé aucun dommage et ne faisait pas partie d’une attaque plus importante.

La deuxième phrase s’est avérée fausse. Comme les États-Unis ont rompu leur accord avec les Talibans en restant plus longtemps que le 1er mai, les Talibans ont également cessé de remplir leur part du contrat. L’offensive de printemps, jusqu’ici reportée, a maintenant été lancée avec des attaques violentes dans tout le pays.

Hier, les Talibans ont essayé pour la première fois de s’emparer de Lashkar-gah, la capitale de la province de Helmand, dans le Sud.

Avant l’attaque, quelque 18 avant-postes de l’armée afghane situés le long de la route entre Kandahar et Lashkargah et entre Farah et Lashkagah ont été pris. Les routes étant alors bloquées, les unités de commando qui défendaient la ville ont eu du mal à s’en sortir :

Attaullah Afghan, chef du conseil provincial du Helmand, a déclaré que les talibans avaient lancé leur vaste offensive lundi en venant de multiples directions, attaquant les postes de contrôle aux abords de Lashkar Gah et s’emparant de certains d’entre eux.

Les forces de sécurité afghanes ont lancé des frappes aériennes et déployé des commandos d’élite dans la région. Les insurgés ont été repoussés mais les combats se poursuivaient mardi et des centaines de familles ont été déplacées, a-t-il ajouté.

Un autre point chaud se trouve au sud de Kaboul. Vendredi, un attentat suicide a provoqué une explosion devant une maison d’hôtes à Pul-e’Alam. Aucun attentat suicide n’a eu lieu tant que l’accord avec les États-Unis tenait. De violents combats ont également eu lieu autour de la ville de Ghazni.

Les talibans tenteront de relier les zones en jaunes, qui sont celles qu’ils détiennent déjà. Ils bloqueront les routes entre les grandes villes et empêcheront les unités qui y sont stationnées de se réapprovisionner.

L’armée afghane dispose d’hélicoptères et de bombardiers légers qui peuvent aider à soutenir les garnisons isolées et à tenir les talibans à distance. Mais la maintenance de bon nombre d’entre eux est assurée par des sous-traitants « occidentaux » qui risquent de partir avec les troupes « occidentales ». L’armée de l’air afghane dispose encore de quelque 90 hélicoptères de transport Mi-18 de fabrication russe qui peuvent être entretenus localement. Mais la plupart d’entre eux sont utilisés pour des raids d’opérations spéciales et ne sont pas disponibles pour soutenir les forces de sécurité générales.

Du point de vue de l’actuel gouvernement afghan, la situation est sombre. C’est pourquoi le président Ashraf Ghani, qui avait auparavant rejeté tout partage du pouvoir, accepte désormais de former un gouvernement de transition et de se retirer à terme :

Les premiers sujets de négociation doivent consister à atteindre le but souhaité et à mettre en place un cessez-le-feu complet afin d’apporter la paix et un répit dans la vie quotidienne du peuple afghan, puis restaurer la crédibilité et la foi dans le processus de rétablissement de la paix. Toutefois, comme les cessez-le-feu établis pendant les négociations de paix tombent souvent à l’eau, il est essentiel que nous disposions d’une surveillance internationale.

Ensuite, les parties devront discuter et décider d’une administration transitoire. Bien que la structure de la république doive rester intacte, une administration de paix maintiendrait l’ordre et la continuité pendant la planification et la tenue des élections. Cette autorité de transition aurait un mandat court, et elle prendrait fin dès que les élections présidentielles, parlementaires et locales auraient déterminé la nouvelle direction du pays. Je ne me présenterais pas à de telles élections et je démissionnerais volontiers de la présidence avant la fin officielle de mon mandat actuel si cela signifiait que mon successeur élu a un mandat pour la paix.

Il est peu probable que les talibans acceptent un tel processus. Ils ne croient pas aux élections. Ils estiment qu’ils sont vainqueurs et n’ont aucune raison de partager le pouvoir avec qui que ce soit. Ashraf Ghani le sait. Mais son gouvernement peut conserver les plus grandes villes tant que l’argent continue d’affluer. C’est la raison pour laquelle il utilise son article publié dans Foreign Affairs pour menacer l’Occident d’une crise des réfugiés et pour implorer un soutien supplémentaire :

Il doit y avoir un processus politique ordonné de transfert de l’autorité afin que les forces de sécurité ne soient pas laissées sans leadership ni direction. En outre, il est essentiel que les États-Unis et l’OTAN respectent leurs engagements actuels en matière de financement de l’ANDSF. Il s’agit peut-être de la contribution la plus importante que la communauté internationale puisse apporter à une transition réussie vers la paix en Afghanistan.

Ghani ajoute quelques paroles bravaches :

Le principal risque pour la paix est toutefois une erreur de calcul des talibans. Les talibans croient toujours à leur propre récit selon lequel ils ont vaincu l’OTAN et les États-Unis. Ils se sentent enhardis, et comme leurs dirigeants politiques n’ont jamais encouragé leur branche militaire à accepter l’idée de la paix, le plus grand risque est que les talibans continuent à ne pas montrer de réel intérêt pour un accord politique et optent plutôt pour continuer leur agression militaire.

Si tel est le cas, le gouvernement afghan et les forces de sécurité sont prêts. Alors que nous nous préparons aux pourparlers de paix avec les talibans, nous sommes également prêts à les affronter sur le champ de bataille. Au cours des deux dernières années, plus de 90 % des opérations militaires afghanes ont été entièrement menées par les forces de sécurité afghanes. Si les talibans choisissaient la violence, cela signifierait une confrontation majeure au cours du printemps et de l’été, à l’issue de laquelle les talibans n’auraient d’autre choix que de revenir à la table des négociations.

Cela me semble trop optimiste. Une meilleure stratégie pourrait consister à évacuer toutes les troupes du sud et de l’est dans le but de tenir les provinces centrales et le nord. En outre, les talibans n’ont pas besoin de gagner cette année. Ils se sont battus pendant des décennies. Ils n’auront pas plus de raison de négocier à la fin de l’été qu’aujourd’hui.

Si les talibans parviennent au cours des prochains mois à prendre une grande ville ou s’ils commettent des atrocités à grande échelle, la pression sur le président Biden pour qu’il intervienne et envoie des renforts en Afghanistan augmentera. La meilleure façon d’éviter cela est de retirer toutes les troupes aussi vite que possible. S’il n’y a plus de troupes sur place, il n’y aura plus rien pour aider quiconque et les médias oublieront vite l’endroit.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé pour le Saker Francophone

Source : Le Saker
https://lesakerfrancophone.fr/…