Par Régis de Castelnau

Depuis Rome, on sait qu’on ne juge pas les fous. C’est un principe de civilisation qui veut que la responsabilité pénale repose précisément sur… LA RESPONSABILITÉ. La justice dans un cadre procédural normé doit établir la réalité des faits, les qualifier juridiquement et s’ils constituent des infractions PUNIR les auteurs, c’est-à-dire ceux qui en sont responsables. La responsabilité est donc directement corrélée à la CONSCIENCE. C’est-à-dire celle de commettre l’acte répréhensible en toute connaissance de cause. Le fou ne dispose plus de cette conscience.

C’est la raison pour laquelle on ne juge pas les fous.

Le spectacle de la clameur, qui agite les réseaux et la presse après l’arrêt de la Cour de cassation dans l’affaire Sarah Halimi, est simplement désespérant. On y trouve de la bonne foi souvent nourrie d’ignorance mais aussi de la mauvaise. Je dis désespérant parce qu’on a beau faire depuis des mois (avec d’autres) tous les efforts pour essayer de ramener un peu de raison, c’est peine perdue, la dictature de l’émotion l’emporte.

Je dis désespérant parce qu’on a beau faire depuis des mois (avec d’autres) tous les efforts pour essayer de ramener un peu de raison, c’est peine perdue, la dictature de l’émotion l’emporte.

Quelques observations s’imposent cependant :

  • il est incontestable que Sarah Halimi a été victime d’un meurtre abominable, clairement antisémite. Que celui qui en est l’auteur est une épave humaine détruit par une surconsommation de drogue durant des années.
  • Antérieurement au premier code pénal, la règle selon laquelle on ne pouvait pas juger les fous existait, mais elle a été codifiée le 23 février 1810 : « Il n’y a ni crime ni délit, lorsque le prévenu était en état de démence au temps de l’action, ou lorsqu’il a été contraint par une force à laquelle il n’a pu résister. » C’était le fameux article 64 du code.
  • La loi du 15 août 2014 a modifié le code et introduit un article 121-1 qui prévoit une cause d’exonération de la responsabilité pénale : « l’abolition du discernement » au moment de la commission des faits empêchant les poursuites pénales. Et « l’altération du discernement » qui constitue une cause d’atténuation de la responsabilité.
  • Kobili Traoré a fait l’objet d’une instruction criminelle menée par plusieurs magistrats. En matière criminelle l’expertise psychiatrique est obligatoire. Sept experts psychiatres assermentés et inscrits sur la liste judiciaire ont été chargés de cette expertise. Un seul d’entre eux a conclu à « l’altération » du discernement chez Traoré, les six autres se déterminant pour « l’abolition ». Pour connaître certains d’entre eux, je sais que l’accusation d’antisémitisme dont ils ont été l’objet est simplement une ignominie.
  • C’est dans ces conditions que le collège des juges d’instruction a prononcé en application de l’article 121–un du code pénal une ordonnance de non-lieu qui a été soumise à la chambre d’instruction qui l’a confirmée.
  • La Cour de cassation saisie d’un pourvoi, vérifiant que la procédure avait été régulière et contrôlant l’application du droit a rendu la seule décision possible à savoir le rejet du pourvoi en cassation donnant à la décision un caractère définitif.
  • Contrairement à ce que l’on entend ici et là, Kobili Traoré n’est pas en liberté, mais il a été interné dans une unité psychiatrique pour malades difficiles (où il a refait des bouffées délirantes). Ceux qui connaissent ce genre d’établissement savent de quoi il s’agit et qu’il vaut mieux être incarcéré dans une véritable prison.

Alors, cette affaire devrait nous rappeler une chose, c’est que la justice n’est chargée (par nous) que d’une chose : juger. Elle doit le faire avec ses moyens et en particulier en respectant le droit tel qu’il existe.

Vouloir la mettre en l’instrumentalisant au service d’autres causes ne peut se faire qu’au détriment des principes et du respect du droit et des libertés fondamentales. Qui jusqu’à nouvel ordre nous protègent tous.

On trouvera ci-dessous les liens pour les trois articles déjà écrits sur cette affaire qui rentrent plus dans les détails.

Comme au moment de leur publication, je vais me faire insulter, traiter de menteur évidemment d’antisémite, et de complice de l’islamisme.

Tant pis.

Source : Vu du Droit
https://www.vududroit.com/…