Par Chems Eddine Chitour

«L’industrie du pétrole présente un aspect mystérieux. Ceux qui la connaissent réellement n’en parlent pas et ceux qui en parlent ne la connaissent pas généralement.»
(Paul Frenkel)

Résumé
L’histoire du pétrole est l’histoire des pays en développement qui ont lutté pour faire du pétrole un outil de développement. Nous montrerons à grands traits les grandes étapes de l’aventure pétrolière, les luttes producteurs-consommateurs par compagnies pétrolières interposées. Nous montrerons que l’avènement de l’Opep a été un facteur déclenchant qui a permis graduellement les nationalisations rendues nécessaires mais pas sans luttes. La nationalisation des hydrocarbures en Algérie s’inscrit dans cette dynamique des années 70. Un homme, Boumediene, et un ministre, Bélaïd Abdesselam, furent les architectes de cette réussite.
55 ans après, il faut passer à autre chose. Les énergies fossiles continueront encore à compter, mais l’avènement en force des énergies renouvelables est inéluctable.
En 2050, il y aura encore du pétrole et du gaz, mais ils ne seront pas déterminants et structurants du marché mondial du fait que chaque pays qui a mis en place son plan vert, notamment avec l’hydrogène vert et la pétrochimie verte, ne sera plus dépendant du pétrole et du gaz ; cette fenêtre devra être mise à profit pour ne pas perdre de temps pour la mise en place d’une transition verte, voulue par le président. Nous ne pouvons pas continuer à nous tenir le ventre à surveiller les errements du prix du baril dont on ne maîtrise pas les fondements profonds. Cette deuxième révolution de l’intelligente nous permettra de sortir par le haut à l’addiction du pétrole.

Histoire du pétrole
Pour décrire l’histoire de l’Opep, il est important de revenir à l’histoire du pétrole qui a commencé il y a un peu plus d’un siècle. J’avais, dans un ouvrage, La politique et le nouvel ordre pétrolier international, préfacé par l’économiste Nicolas Sarkis, décrit à grands traits le narratif du pétrole.
«Le pétrole est découvert dès 1908 en Iran, dans les ‘‘années 30’’ en Arabie saoudite, à Bahreïn et Koweït, il sera un enjeu stratégique et un champ d’affrontement des grandes puissances. Tout est parti de l’effondrement de l’Empire ottoman, à l’issue de la Première Guerre mondiale, ce qui entraîne un partage des dépouilles entre les vainqueurs, d’abord la Grande-Bretagne et la France, responsables des accords Sykes-Picot dont les retombées négatives sont toujours actuelles.»(1)
«L’un des phénomènes majeurs, écrit Michel Chatelus, sera l’entrée en force des compagnies américaines dans la région. En 1928, l’accord dit ‘‘de la ligne rouge’’ qui détermine les principes d’une action collective des compagnies. C’est au début de la décennie 1930 que des concessions sont accordées au Koweït et en Arabie saoudite. Les grands gisements sont découverts en 1936 (Dammâm) et 1938 (Burgan, au Koweït, le plus riche gisement du monde). En 1945, le Moyen-Orient dans son ensemble n’est encore qu’un petit producteur à l’échelle mondiale (moins de 5%). A cette époque, le Moyen-Orient pétrolier est constitué avant tout par l’Iran (17,7 MT) et l’Irak (4,7 MT). (…) Les États producteurs cèdent l’essentiel de leurs prérogatives aux compagnies sous forme de concessions. En échange de l’exclusivité de la production et de l’exploitation, les compagnies versent un «royalty» (pourcentage sur la production).
«La nécessité de lutter contre la baisse des prix relatifs, et même absolus, du pétrole (entre 1950 et 1960, par exemple, le prix du brut saoudien à Ra’s Tannûra passe de $ 1.71 à $ 1.45 par baril) conduit certains États exportateurs à s’unir dans un groupement destiné à bloquer les prix, puis à accroître le prélèvement fiscal en leur faveur. Les cinq membres fondateurs de l’Opep en septembre 1960. L’action de l’Opep ne se fera sentir que progressivement (en particulier sur les prix qui baisseront jusqu’en 1967-1968). Les revenus des États, en particulier, amorceront assez rapidement une courbe ascendante. Les États producteurs vont tenter d’ébranler le monopole des «majors» en créant des compagnies nationales. En fait, la situation évoluera très rapidement, en liaison avec les événements de 1973 et les nationalisations opérées par l’Irak, la Libye et l’Algérie. L’Irak nationalisera au 01/06/72. L’étape ultime de contrôle à 100% sera franchie par Koweït en 1975 et Qatar en 1976-1977. La décision de principe concernant l’Aramco a été prise en 1976. La ‘‘dépossession’’ des ‘’majors’’ n’implique pas évidemment leur disparition du marché pétrolier. Elles continuent à jouer un rôle fondamental, en particulier dans le contrôle du transport, du raffinage, de la distribution, tout en restant le plus souvent opérateurs dans les États où elles étaient installées.»(2)

Comment s’est déroulée la nationalisation ?
La nationalisation des hydrocarbures, « tournant décisif’’ et de révolution qui a réussi contrairement à celle de Mossadegh en Iran, démonté lors de l’opération Ajax comme l’a commenté Madeleine Albright, opération secrète menée en 1953 par le Royaume-Uni et les États-Unis, qui ont renversé le Premier ministre d’Iran Mohammad Mossadegh pour le remplacer par le général Fazlollah Zahedi plus conciliant et qui a annulé les nationalisations. Ceci a marqué le monde pétrolier qui a redoublé de vigilance. L’Algérie, par cette décision, «avait donné le la pour d’autres pays comme la Libye et l’Irak de nationaliser, à leur tour, leurs hydrocarbures».
L’étude du déroulement de la nationalisation du pétrole en 1971 serait bancale si on ne citait pas le deuxième architecte de la réussite de cette nationalisation soft sans qu’il y ait de coup d’État ou mort d’homme. Bélaïd Abdesselam sera l’architecte de la nationalisation, aidé en cela par une poignée de patriotes trentenaires et compétents. Sans être exhaustif, c’est un devoir pour moi de citer Sid-Ahmed Ghozali, président-directeur général de Sonatrach, et les vice-présidents, notamment Omar Khouani.
«On sait que la stratégie de Boumediene est d’investir les dollars de la rente dans une industrialisation tous azimuts. Anissa Boumediene en parle : «Il fallait donner la priorité aux industries de base (sidérurgie, métallurgie, équipements) de façon à créer par la suite des industries de consommation. C’est ainsi que les Algériens fabriquèrent des tracteurs, des charrues, des motopompes, des réfrigérateurs, des téléviseurs, des tissus, etc. Il y avait aussi à Rouiba la fabrication des camions Berliet avec un taux d’intégration dépassant les 70% (…) Le 12 juin 1970, une nouvelle étape était franchie : un communiqué de la présidence du conseil annonçait la nationalisation des sociétés pétrolières américaines AMIF, Philips Petroleum, Drilling Specialties, Sofrapel et Shell. Le 24 février 1971, le président Boumediene promulguait quatre ordonnances et trois décrets d’application qui décidaient la nationalisation de 51% des biens, parts, actions, droits et intérêts de toute nature de la Compagnie française des pétroles (CFP) et des sociétés appartenant au groupe ERAP ainsi que la nationalisation totale du secteur du gaz naturel et du transport terrestre des hydrocarbures.  Le chef de l’État algérien avait soigneusement choisi son auditoire : l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA) qui fêtait le quinzième anniversaire de sa fondation.»(3)
«Nicolas Sarkis, l’un des experts pétroliers internationaux les plus connus, cite dans son livre Le pétrole à l’heure arabe cette phrase du discours prononcé ce jour-là par Houari Boumediene : «Ainsi avons-nous décidé de porter aujourd’hui la révolution dans le domaine du pétrole.» Et l’accompagne de ce commentaire : «C’est par cette introduction que le chef de l’État algérien a commencé le discours annonçant la nationalisation des sociétés françaises et avec elle le coup d’envoi d’un véritable raz-de-marée qui allait rapidement gagner la Libye et l’Irak avant d’atteindre les rivages tranquilles du Golfe arabe.»(3)
Jean Daniel écrit à ce propos dans Le Nouvel Observateur du 1er mars 1971 : «Nous assistons aux soubresauts de la décolonisation.  L’indépendance, c’est la décolonisation politique. Reste la décolonisation économique, mille fois plus importante, lorsque les peuples sont devenus majeurs. C’est aujourd’hui le cas de l’Algérie. On a voulu l’ignorer. On ne pensait pas que les Algériens, même s’ils s’étaient révélés d’extraordinaires guérilleros pendant sept ans, fussent en mesure de résister aux superpuissances. Ainsi, dans le meilleur des cas, on se donnait bonne conscience en prétendant protéger les Algériens même malgré eux.» Il observe que «les responsables français se font encore des illusions grossières» et que «leur manque de psychologie est aussi déconcertant que leur ignorance de certaines réalités. On compte faire peur aux Algériens en menaçant de supprimer les facilités financières accordées aux travailleurs émigrés. Or, entre un sacrifice financier et la préservation de leur dignité, les Algériens n’hésiteront pas une seconde».(3)
Cela ne fut pas facile, parce que la France a pris des mesures de rétorsion. L’Algérie avait étudié toutes les éventualités : «Pour gagner la bataille du pétrole qui se déroulait en plusieurs actes, le président Boumediene devait lutter sur plusieurs fronts car nombreuses étaient les pressions de toutes sortes qui s’exerçaient sur le pouvoir algérien. C’étaient d’abord près de quatorze millions d’hectolitres de vin, ce qui se traduisait par une perte de 70 à 80 milliards d’anciens francs. Certains journaux français citaient un rapport existant au ministère français des Affaires étrangères qui concluait à la nécessité de trouver une solution impliquant un changement de régime.»(3)
«En France, la nationalisation des hydrocarbures est présentée comme une page douloureuse de l’histoire de l’énergie. Dans ce sens, la prise de contrôle des entreprises françaises est associée à la fin de la longue phase de prospérité économique commencée dans l’après-guerre. Autrement dit, l’avènement de l’ère de la pénurie d’essence ferme la parenthèse des Trente Glorieuses et marque un coup d’arrêt dans la course de la France vers la modernité. En Algérie, en revanche, la nationalisation est saluée en tant que victoire contre l’ancienne puissance coloniale et ses entreprises, ces dernières étant perçues comme des instruments de la domination française sur le pays.
Ainsi, quand le président Boumediene prononce son fameux discours du 24 février, il exprime clairement la volonté de «porter la révolution dans le secteur des hydrocarbures» afin d’assurer la création d’une industrie algérienne autour de la société nationale Sonatrach. Choc économique pour les uns, révolution politique pour les autres, la nationalisation des hydrocarbures adopte un sens différent si nous l’analysons dans son contexte historique. Cette décision est en effet annoncée durant les négociations sur l’augmentation de la fiscalité et des prix du brut engagées par l’Organisation des pays exportateurs de pétrole avec les entreprises pétrolières qui jusqu’ici fixaient seules le cours du baril. La stratégie algérienne se révèle gagnante et d’autres États producteurs choisissent de l’imiter dans les mois qui précèdent le choc pétrolier de 1973. Le succès des nationalisations confirme que les pays producteurs ne seront désormais plus des engrenages passifs d’une machine industrielle complexe et que le pétrole n’est pas l’affaire exclusive des grandes entreprises multinationales.»(4)

La création de l’ADNOC et la nationalisation du pétrole émirati
Dans le même ordre, l’histoire retiendra que Cheïkh Zayed Ben Sultan Al Nahyane, fondateur de la Fédération des Émirats arabes unis, qu’il dirigea dès sa création le 2 décembre 1971, tenait à la création d’une compagnie pétrolière «nationale», sollicita «l’aide» de feu Houari Boumediene, le Président algérien de l’époque. (…) Cheïkh Zayed voulait «s’assurer» une indépendance vis-à-vis des compagnies pétrolières étrangères. Et c’est à Mahmoud Hamra Krouha, âgé à peine de 31 ans à l’époque, qu’est confiée «cette» mission qu’il réussira avec brio. Docteur en économie de la Sorbonne, il était directeur de la planification à la Sonatrach. Il se fait accompagner par d’autres cadres ingénieurs de la Sonatrach. Le 1er juin 1973, la Abu Dhabi National Oil Company est née. Elle prend la relève des compagnies étrangères qui opéraient dans le pays jusqu’ici. (5)
En signe de «reconnaissance», ce petit pays développe une stratégie hostile, pris par l’hubris du dollar et pense qu’il peut provoquer impunément. L’actuel président-directeur général de l’ADNOC s’est permis de dicter la norme à la zerda de la COP28. Ce fut un fiasco.

La nation du pétrole en Bolivie
Pour le président de la Bolivie, Evo Morales, l’objectif est d’améliorer la situation sociale des Boliviens. «Le 1er mai 2006 il annonçait la nationalisation des hydrocarbures (gaz et pétrole) sur le territoire bolivien. L’armée a aussitôt envahi les champs pétrolifères et les raffineries pour manifester aux 26 compagnies pétrolières la souveraineté inaliénable de l’État sur ses ressources naturelles. Au terme d’une négociation de 180 jours, le gouvernement deviendra le détenteur de 50 +1% de toutes les actions des compagnies pétrolières et gazières opérant en Bolivie. Il reste que la politique d’échange instaurée par l’Alba pourrait bénéficier à la Bolivie.
Sa mise en application au Venezuela et à Cuba depuis décembre 2004 a entraîné une véritable croissance économique et sociale dans la région latino-américaine. La société d’État pétrolière vénézuelienne s’est d’ailleurs engagée à la fin mai à investir 1 milliard $ dans l’industrialisation des hydrocarbures boliviens.»(6)

18 mars 1938 : expropriation du pétrole mexicain
Les évènements marquants font partie des romans nationaux des pays. Ainsi, au Mexique, le président Andrés Manuel López Obrador invite les Mexicains à célébrer le 85e anniversaire de l’expropriation pétrolière : «Le 18 mars 1938, il publia le décret d’expropriation du pétrole, autrement dit la nationalisation de l’industrie pétrolière contrôlée par 17 sociétés étrangères, principalement états-uniennes et britanniques. L’événement est considérable à l’époque. Et c’est une grande source de fierté pour les Mexicains qui célèbrent chaque 18 mars el aniversario de la expropiación petrolera par des déclarations patriotiques. Au milieu des 1970, la plupart des États pétroliers commenceront à faire de même mais quatre décennies plus tôt, il fallait un certain aplomb de la part de Mexico pour affronter ainsi le puissant voisin. En 1953, l’Iran subira un coup d’État organisé par Washington, pour avoir tenté la même opération. En 1954, c’est le Guatemala qui fera les frais d’une tentative de réforme agraire qui aurait pu nuire aux intérêts d’une multinationale américaine. Et que dire du putsch de 1973 au Chili… Une indemnisation était prévue, l’État mexicain a dû s’endetter pour y faire face. Les pétroliers ont tout quitté sans transition, tentant d’enfoncer le Mexique dans une crise pétrolière. Le pays ne retrouvera sa production de pétrole et son volume de raffinage qu’en 1942. Les États-Unis ont alors envoyé des conseillers techniques au Mexique pour s’assurer que la production de pétrole pouvait soutenir les Alliés en guerre. Lázaro Cárdenas a fondé la société pétrolière Pemex (Petróleos Mexicanos), qui sera un modèle pour d’autres nations.»(7)

Le plan américain pour étouffer le pétrole de l’URSS
Le sortilège du pétrole mène aussi à des guerres économiques, voire informatiques. Moses Mendelsson nous explique la stratégie américaine vis-à-vis de l’URSS : «Pendant la Seconde Guerre mondiale, les manœuvres US en terre étrangère devront être scrutées depuis cet angle aussi, car les tactiques rodées en Corée, au Viet Nam, en Ukraine ont ensuite pu être appliquées avec succès tant contre les peuples «amis» de l’OTAN qu’à l’intérieur des USA. Le pétrole est au cœur de la stratégie américaine. Mendelssohn résume la stratégie américaine consistant à saboter les ressources vitales de l’URSS. L’affaire Nord Stream n’est qu’une opération de sabotage comme les précédentes. Dans le contexte de la guerre froide, la collusion États-Unis-Arabie saoudite a permis d’étouffer économiquement l’URSS : «Commencent ici les extraits sur les pipelines russes par Ola Tunander. La CIA n’avait jamais auparavant mené une opération aussi vaste que celle en Afghanistan en soutien des Moudjahideen et de l’ISI (…) Simultanément, Casey a insisté avec les Saoudiens pour qu’ils augmentent leur production de pétrole afin que les prix du brut chutent. Le pétrole étant la source principale de revenus pour l’URSS, Casey a poussé l’Europe occidentale à ne plus acheter le gaz et le pétrole russes. Casey voulait étrangler l’économie russe, ce qui, selon lui, allait précipiter l’effondrement de l’économie soviétique.»(8)
«Dans le mot de Herb Meyer, conseiller spécial auprès du directeur de la CIA : «Nous les avons bousculés sur le plan économique (…) notamment en les forçant à réduire leurs exportations de pétrole et de gaz vers l’Europe de l’Ouest. C’était alors leur source principale de devises, et on l’a piétinée ! Puis on a collaboré avec les Saoudiens afin de faire baisser le prix du pétrole, ce qui stimulait notre économie et leur faisait du tort, car les prix bas étaient bons pour nous, exécrables pour eux. Nous avons travaillé aux côtés des Européens pour réduire (…) le volume des pipelines alors en construction, destinés à fournir l’Europe occidentale en gaz depuis l’URSS (…) Je disais à tout le monde ‘’voyez Reagan et Gorbachev : Gorbachev est tel un patient intubé et sous perf à l’hôpital ; Reagan est le médecin plein d’empathie qui lui souffle à l’oreille que cela va s’arranger – tout en écrasant du pied le tube à oxygène et le flinguer. C’était ça, la relation Reagan-Gorbachev’’.»(8)
«Dès juillet 1981 (…), ayant reçu de la France des renseignements concernant un réseau soviétique faisant main basse sur des technologies avancées, Casey (au lieu d’arrêter les agents soviétiques, ndlr) a préféré inonder le système soviétique de microprocesseurs genre Cheval de Troie… qui surgiraient dans toutes sortes d’emplacements improbables. Des pipelines transportant le gaz sauteraient en l’air. Les Soviétiques voulaient construire ce pipeline. (Sibérie 1982) Nous avions compris que cela ferait entrer des devises et que l’Europe de l’Ouest deviendrait accro de leur gaz.
(…) Nous les avons ‘aidés’ grâce à des logiciels qui font tourner parfaitement les pompes pour quelques semaines, assortis cependant d’un Cheval de Troie qui après X – temps lançaient les pompes à deux fois la pression convenable. (…) Et voilà qu’à l’été 1982, le pipeline a sauté (…)»(8)

2024 -2035 : une transition vers le développement durable en Algérie
Depuis 1971, nous avons extrait du sous-sol environ 2,2 milliards de tep. Si on continue à ce rythme de production sans nouvelle découverte significative, nous en aurons pour une vingtaine d’années. De 1965 à 1978, l’Algérie a engrangé 22,5 milliards de dollars. Il y eut la création d’une trentaine d’entreprises d’envergure internationale dont la Sonatrach, la Sonelgaz et la SNVI, ou ce qu’il en reste. L’essentiel de l´industrie actuelle date de cette époque. Nous sommes bien contents d´avoir une capacité de raffinage de 22,5 millions de tonnes. Depuis, nous avons engrangé pendant la période 1999-2019 plus de 1000 milliards de dollars. Qu’avons-nous fait de significatif ? La dernière double décennie qui nous a fait rater notre entrée dans le XXIe siècle. La transition énergétique, j’en parle depuis un quart de siècle. Nous avons cette fenêtre d’opportunités pour changer de fusil d’épaule. Le premier concerne la rationalisation de la consommation d’énergie, la construction de centrales renouvelables et la mise en place d’un modèle énergétique en 2030-2050.
Le deuxième grand volet de la feuille de route est la mise en place du plan Marshall des centrales solaires et éoliennes. 2000+ 1000 MW sont en chantier. Il nous faut pousser l’effort pour arriver vers 2035 à la fois à répondre à une consommation rendue vertueuse en misant sur l’efficacité énergétique mais aussi assurer une rente de l’intelligence par la production d’hydrogène vert.
La coopération avec l’Allemagne nous paraît porteuse d’espérance, mais le temps presse et nos voisins ont les mêmes préoccupations de répondre à l’Europe qui a toujours deux fers au feu. Elle encourage aussi la Tunisie, le Maroc, l’Egypte en même temps. Notre atout gaz dans les dix prochaines années devrait valablement nous permettre d’arriver à au moins 30 000 MMW. Le plan Marshall solaire éolien peut en partie s’auto-financer surtout si on opte pour le financement IPP. Il nous coûtera moins de 25 milliards de dollars dont une grande partie de gaz naturel épargnée par substitution par l’électricité renouvelable. Ce plan est visible et devrait avoir une priorité par rapport à des explorations coûteuses sans garantie de résultats probants.

La production d’hydrogène vert commence à être mise en œuvre
«La Commission européenne a annoncé que son enchère pilote pour la production d’hydrogène vert a attiré 132 offres de projets dans 17 pays européens qui pourraient répondre à près de 10% de l’ambition de l’UE pour la production d’hydrogène vert domestique en 2030. Soit une capacité d’électrolyseur prévue de 8,5 gigawatts. La production totale de cette capacité équivaudrait à 8,8 millions de tonnes sur une période de 10 ans, soit environ un dixième de l’objectif de 10 millions de tonnes de REPowerEU par an d’ici 2030. Sur une base de coûts nivelés, l’hydrogène vert produit en Europe est actuellement presque trois fois plus élevé que cher comme l’hydrogène gris : 6,44 $ le kilogramme contre 2,35 $ /kg.» L’UE produit actuellement environ 8 à 9 millions de tonnes/an d’hydrogène gris sur un marché mondial total de près de 100 millions de tonnes/an. La production mondiale actuelle d’hydrogène vert est minuscule, à environ 20 000 tonnes/an. La première vente aux enchères offre 10 contrats à prix fixe d’une durée maximale de 4,50 € par kg (4,87 $/kg).(…) À la recherche de fournisseurs, l’UE a entamé des négociations avec des exportateurs d’hydrogène potentiels, dont l’Égypte, le Kenya, la Namibie, l’Australie, le Kazakhstan, Oman et plusieurs autres pays.(9)
Il est de la plus haute importance que l’Algérie se signale. Nous devons nous inscrire dans ce challenge et tout faire pour faire démarrer l’usine de 50MW de production d’hydrogène vert. Il faut acquérir dans le cade des mesures d’accompagnement des électrolyseurs de petites tailles au moins 1MW notamment chez les groupes chinois qui ont en charge une partie des 2000 MW renouvelables. En effet, il y a deux ans, le prix est divisé par 4 pour les électrolyseurs chinois face aux productions occidentales : 300, contre 1 200 à 1 400 dollars du kilowatt en 2022. Ces électrolyseurs équiperaient au moins une dizaine de laboratoires pour permettre aux chercheur(e)s d’être opérationnels.
De plus, il est important qu’un plan de formation soit mis en œuvre avec la partie allemande. Des ingénieurs de SH qui ont une expérience de la production de l’hydrogène gris devraient être en tandem avec les ingénieurs de Sonelgaz spécialisés dans le solaire mais aussi avec les spécialistes du dessalement pour faire une task force avec les ingénieurs allemands pour produire de l’hydrogène à moins de 2, 5 $le kg pour être éligible et profiter de subventions européennes.

Conclusion
50 ans après le fameux «qararna ta emime el mahrouqate», événement majeur du XXe siècle où un petit pays du tiers-monde osait défier les puissances occidentales en complétant avec succès, avec témérité, son indépendance politique par son indépendance économique.(10)
Nous devons avoir une vision de ce que sera 2030-2050. Tenant compte constamment de ce qui se passe dans le monde, il nous indiquera l’effort à faire en termes de rationalisation de la consommation d’énergie. Notre pays doit pouvoir prendre, à temps, les virages rendus nécessaires par l’évolution du monde. 53 ans après l’indépendance pétrolière, nous devons réussir la révolution verte en misant sur les énergies renouvelables. En opérant de fait un nouveau 1er Novembre du XXIe siècle. Indépendamment de la nécessité de la transition vers les énergies renouvelables, l’Algérie devra se battre pour rentrer dans l’aval pétrolier en Europe ou ailleurs, elle ne se contenterait pas de vendre du pétrole, mais des produits à forte valeur ajoutée, carburants, mais aussi produits pétrochimiques hydrogène vert, ammoniac. L’électricité renouvelable sera la colonne vertébrale de la consommation énergétique du futur. C’est un changement total de paradigme. Il nous faut mettre en place un plan Marshall en fixant une utopie mobilisatrice : un deuxième 24 Février pour une nouvelle indépendance, ce challenge est de disposer de 50% d’énergie renouvelable et d’économie d’énergie en 2035.
Nous devons faire revivre ce feu sacré, qui est un héritage que nous devons transmettre à nos forces vives non par des ordres mais par la force de conviction. C’est un nouveau départ qui sera à l’actif du gouvernement actuel dans l’histoire de l’énergie du pays. Dans tous les cas, le consensus social est nécessaire. Donnons aussi aux jeunes l’espoir et la volonté de réussir. Donnons-leur une utopie. Ce sont eux qui seront là en 2030. Laissons-leur une Algérie en ordre de marche. Seul le parler vrai permettra de conquérir leurs cœurs. C’est comme cela que je vois l’Algérie nouvelle, une Algérie qui gagne par la création de richesse.

Par le Professeur Chems Eddine Chitour
école polytechnique, Alger

1. Chems Eddine Chitour La politique et le nouvel ordre pétrolier international, préface de l’économiste Nicolas Sarkis, Editions Dahlab 1995
2. Michel Chatelus https://books.openedition.org/iremam/2521?lang=fr
3. Anissa Boumediene https : // www . lesoirdalgerie . com/contribution/l-ami-et-le-defenseur-des-pauvres-2e-partie-112606 14-02-2024,
4. https://www.lepoint.fr/afrique/algerie-50-ans-apres-la-nationalisation-du-petrole-en-question-15-03-2021-2417787_3826.php#11
5. https://lapatrienews.dz/mahmoud-hamra-krouha-lalgerien-qui-crea-la-compagnie-petroliere-des-emirats-arabes-unis/
6.https://ceim.uqam.ca/db/IMG/pdf/chro_dugas_06_23.pdf
7.https://www.bibliomonde.fr/lalmanach/18-mars-mexique-anniversaire-de-l-expropriation-petroliere
8.Moses Mendelssonhttps://reseauinternational.net /maskirovka-deception-tromperie-du-peuple-3/20 02 2024
9.European Hydrogen Bank Auction © 2024 Energy Intelligence Tue, Feb 20, 2024 Author Tom Pepper, London
10 https://www.jeuneafrique.com/ 534985/politique/ce-jour-la-le-24-fevrier-1971-houari-boumediene-annonce-la-nationalisation-des-hydrocarbures/

Publié avec l’aimable autorisation de l’auteur

Source : Le Soir d’Algérie
https://www.lesoirdalgerie.com/contribution/…