Par Karine Bechet-Golovko

Après avoir vainement tenté de ramener ses partenaires à la raison, suite à la sortie des Etats-Unis du Traité Ciel ouvert et à l’exigence américaine faite aux Européens de leur transmettre les informations concernant la Russie, la Russie va officiellement annoncer dans quelques jours sortir, elle aussi, de ce Traité désormais à sens unique, comme l’a annoncé le Président Vladimir Poutine. Ce qui est en soi une excellente chose, car en sortant de ce Traité, les Etats-Unis veulent encore renforcer le globalisme : les Etats-Unis, se considérant comme centre du monde global, s’estiment en droit d’obtenir des informations, sans en fournir. La Russie les rappelle à la réalité.

Dès le mois de mai, les Etats-Unis ont annoncé leur sortie du Traité Ciel ouvert en faisant reporter, sans grande originalité, la violation de ce traité sur la Russie (voir notre texte ici). De manière plus prosaïque, ce Traité ne leur permettait pas d’obtenir les informations qu’ils désiraient concernant l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud. Car s’il autorise le survol du territoire, une bande de 10 km à la frontière est protégée. En revanche, en autorisant le survol de leur territoire à la Russie, ils étaient bien obligés de fournir des informations.

Mais en sortant, les Etats-Unis ont fait pression sur les « amis » européens, afin que ceux-ci, en bons pays satellites et membres de l’OTAN, leur fournissent les informations concernant la Russie (voir notre texte ici). Car la Russie est bien l’un des enjeux majeurs de ce système d’espionnage réciproque, plus ou moins réglementé. La situation devint alors cocasse : les Etats-Unis protègent leur territoire de tout accès aérien à l’information, tout en bénéficiant par l’intermédiaire des pays de l’OTAN de la « coopération » de ces pays. Et la Russie, elle, restant docilement dans le cadre de ce Traité, offre les informations concernant son territoire, sans rien recevoir en retour concernant les Etats-Unis.

En décembre, le Président russe, après que la Russie ait déployé des efforts diplomatiques, dont seule elle est capable aujourd’hui, a remis fermement en cause l’intérêt de la participation de la Russie au traité Ciel ouvert dans ces conditions et a ainsi répondu à un journaliste britannique :

« Les Etats-Unis sont sortis du traité Ciel ouvert. Et nous, qu’est-ce qu’on doit faire ? Tout laisser en l’état ? Ainsi, vous, comme pays de l’OTAN, allez survoler notre territoire et tout transmettre à vos partenaires américains, alors que nous, nous serons privés de cette possibilité à l’égard des Etats-Unis ? Vous êtes intelligents, pourquoi pensez-vous que nous sommes stupides ? Pourquoi pensez-vous que nous ne pouvons analyser des choses aussi élémentaires ?« 

Ainsi, à force de tirer sur la corde, elle rompt, comme l’annonce le journal Kommersant, la Russie va annoncer prochainement sa sortie du Traité Ciel ouvert. La patience de la Russie et sa volonté de participer au monde global n’est pas à n’importe quel prix : dès que sa sécurité nationale est en jeu, en pays souverain, autant qu’il est possible de l’être aujourd’hui, elle défend son intérêt national.  

Ce Traité pouvait avoir un sens lorsqu’il couvrait les grands acteurs que sont les Etats-Unis et la Russie. En sortant unilatéralement, les Etats-Unis estiment que dans le monde global, qui est le leur, ils sont au-dessus des mécanismes de régulation, qui sont bons pour les autres pays, inférieurs, puisqu’eux veulent en être la source. Ainsi, les mécanismes de régulation internationaux existants doivent continuer à fonctionner, mais sans interférer sur les Etats-Unis, qui ne peuvent qu’en bénéficier, mais pas être contraints. Comment pourrait-on contraindre la volonté impériale ? La Russie, si elle va dénoncer ce Traité comme annoncé, va porter un coup important au prestige des Etats-Unis et les ramener sur terre.

Source : Russie Politics
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