CC BY-SA 4.0

Par Mohamed Belaali

Mes bien-aimés

Avec mes paupières je bâtirai la route de votre retour

Avec mes paupières.

Je guérirai votre blessure, balaierai les épines de la route

Avec mes cils

Et de ma chair je construirai le pont du retour

En 1948, les palestiniens ont été arrachés à leur terre et contraints à l’exil et au déracinement. Le 15 mai de chaque année, ils commémorent cettte tragédie pour rappeler à Israël et au monde entier qu’ils ne renonceront jamais à leur droit légitime au retour.

Qui peut mieux ressentir cette tragédie collective que les poètes. Tawfik Zayyad est peut-être celui qui incarne le mieux la tragique histoire de la Palestine et de son peuple qui lutte toujours pour sa survie:

« Le drame que je vis est ma part de vos tragédies » écrivait-il dans l’un de ses poèmes :

Je vous appelle

Je serre vos mains

J’embrasse la terre sous vos pieds

Et je dis : je vous donne ma vie

Je vous offre la lumière de mes yeux

Et la chaleur de mon cœur

Le drame que je vis est ma part de vos tragédies.

Face à mes oppresseurs je me suis dressé
Orphelin, nu, déchaussé

J’ai préservé l’herbe verte sur les tombes de mes ancêtres

Sa poésie se confond même avec cette terre tant aimée, cette « terre violée » de la Palestine :

Je graverai le numéro de chaque parcelle

de notre terre violée

et l’emplacement de notre village et ses limites

et ses maisons qu’ils ont dynamitées

et mes arbres qu’ils ont déracinés

et toutes les fleurs sauvages qu’ils ont arrachées

afin de me souvenir.

Je graverai inlassablement

toutes les saisons de mes douleurs

toutes les saisons de l’infortune

de la graine

à la coupole

sur l’olivier

dans la cour de ma maison.

Contre la force et la violence de l’occupant israélien, Zayyad opposait la puissance de sa poésie. Cette poésie simple, émouvante, populaire et tragique a circulé d’abord sous les tentes des camps de réfugiés, dans les prisons avant d’être lue, apprise et chantée dans toute la Palestine et dans tout le monde arabe. La poésie de Zayyad a réussi à briser le cercle étroit, confidentiel et élitiste dans lequel est confinée la poésie en général pour s’emparer des masses opprimées palestiniennes et arabes. La poésie subversive de Zayyad dérangeait. Arrêté, incarcéré et torturé, l’occupant israélien voulait étouffer la voix du poète.

Zayyad n’a pas quitté sa Galilée natale. Il voulait, disait-il, garder l’ombre des orangers et des oliviers de la Palestine :

Ici nous resterons

Gardiens de l’ombre des orangers et des oliviers

Si nous avons soif nous presserons les pierres

Nous mangerons de la terre si nous avons faim mais nous ne partirons pas !!

Ici nous avons un passé un présent et un avenir

Tawfik Zayyad est mort dans un accident de voiture dans des circonstances troubles. Il nous a laissé une moisson abondante de poèmes se transmettant de générations en générations.

Parmi ses recueils on peut citer, J’étreins vos mains, Enterrez vos morts et levez-vous, Paroles de combat, Chants de révolte et de colère, Captifs de la liberté etc.

Son œuvre n’a toujours pas été traduite en français. Le lecteur francophone est ainsi privé d’une poésie lumineuse à la fois authentiquement palestinienne et universelle.

Mohamed Belaali

Source : Le blog de l’auteur
https://www.belaali.com/…