Luc MICHEL répond aux questions de Karel Huybrechts

# EODE  PRESS OFFICE/
REVUE DE PRESSE – PRESS REVIEW – ГАЗЕТА/
ENTRETIENS AVEC LUC MICHEL (PARTIE I)
LUC MICHEL REPOND AUX QUESTIONS DE KAREL HUYBRECHTS (SEPTEMBRE 2011)

* Question – Karel Huybrechts : Plusieurs versions circulent au sujet de l’engagement politique de Jean Thiriart avant 1940. Que vous a-t-il personnellement dit sur son parcours d’avant-guerre ?

Luc MICHEL :

Je voudrais, avant de fournir les réponses aux questions que vous me demandez, attirer votre attention sur une chose : depuis la disparition de Jean Thiriart en novembre 1992, nous avons vu se développer ici et là une série de légendes, de mythes, de ragots. Beaucoup trouvent leur source chez les animateurs de certains groupuscules français et belges, qui du vivant de Jean Thiriart ne l’ont pas côtoyé, où l’ont combattu ouvertement ou sournoisement. On atteint à ce sujet des sommets dans le ridicule lorsque certains personnages, qui ont approché Jean Thiriart deux ou trois après-midis à la fin de sa vie à paris ou à Moscou, se présentent aujourd’hui comme « ayant milité à ses côtés » (sic).

J’ai pour avantage sur ces provocateurs et ces mythomanes d’avoir côtoyé Jean Thiriart quotidiennement pendant de nombreuses années, d’avoir organisé ses activités et son secrétariat politiques à partir de 1983, et d’avoir, jusqu’à ses derniers jours, bénéficié de sa plus entière confiance politique et de son estime .

* Question – Karel Huybrechts : On peut lire dans certains sites que tu « aurais été   fâché avec Thiriart à la fin de sa vie » ?

Dans la dernière interview (écrite), restée inédite, qu’il a accordée au journaliste belge Manuel Abramowicz en 1992 (après que je l’aie introduit auprès de Thiriart), Thiriart insiste longuement sur l’estime qu’il me porte et sur le fait que je suis le seul représentant orthodoxe de l’idéologie dont il est le créateur.

Il y a en outre de nombreuses traces et preuves écrites qui réfutent incontestablement ce mediamensonge raconté par nos ennemis. Lors de son voyage à Moscou d’août 1992, Thiriart cite abondamment nos travaux et écrits et me présente comme son « disciple ». Ceci dans de nombreux journaux russes et français (voir notamment Nationalisme & République.

Et encore, dans les nombreux droits de réponse et mises au point qu’il fait publier dans la presse russe à son retour, en septembre et octobre 1992. Où il mentionne le PCN et notre collaboration intellectuelle. Et où il attaque violemment la Nouvelle Droite…

J’attire également votre attention sur le fait que je suis le légataire universel des archives de Jean Thiriart. Celui-ci, dès 1983, m’avait confié la gestion des Archives de notre Organisation concernant la période « Jeune-Europe » puis celle du « Parti Communautaire Européen » (1960-70). Lors du décès de Jean Thiriart, son épouse Alice, qui avait été l’un des cadres supérieurs de notre Organisation dans les années 60, m’avait confié ses Archives politiques. Lorsque Alice Thiriart nous ayant, elle aussi, quittés prématurément en 1999, la fille de Jean Thiriart, Frédérique m’a alors confié les Archives privées de son père. Tout ceci est organisé dans le « Fond d’archives Jean Thiriart », qui est géré par l’ « Association transnationale des amis de Jean Thiriart du PCN » (personne morale de Droit belge) qui vise à défendre la mémoire et l’œuvre de celui-ci.

* Question – Karel Huybrechts : revenons à ma question initiale sur l’engagement politique de jean Thiriart avant 1940…

J’ai bien entendu, eu de longs entretiens avec Thiriart  sur ses débuts en politique. Il n’y a pas à ce sujet « plusieurs versions », comme vous l’écrivez erronément, mais une réalité – sur laquelle Thiriart s’est publiquement expliqué à plusieurs reprises – et des ragots. Thiriart est issu d’une famille de gauche, où la libre pensée et l’athéisme étaient de tradition. Et c’est d’ailleurs ce qui nous a dans nos premiers contacts rapproché puisque je partage le même univers mental matérialiste athée.

Les parents de Thiriart fréquentaient les milieux de l’extrême-gauche belge au début des années 30 et notamment les activités de masse du « Komintern » en Belgique. C’est tout naturellement que le jeune Jean Thiriart s’est dirigé vers le « Parti Communiste Belge » (PCB) et l’association de jeunesse de masse qui existait à cette époque et qui portait le nom de « Jeune Garde Socialiste Unifiée » (JGSU), unifiée entre les communistes du PCB et les socialistes. La JGSU était une Organisation militante de type paramilitaire en uniforme comme la plupart des groupes politiques militants de l’époque, à gauche comme à droite, destinée au contrôle de la rue. Il était très fréquent d’en rencontrer dans tous les milieux politiques des années 30. On y portait notamment la chemise bleue, que l’on retrouvera plus tard en République Démocratique Allemande, la DDR, dans les Organisations de jeunesse de rang supérieur de la « Freies Deutsche Jungen ». Jean Thiriart sera très marqué par ses premières années de formation politique au sortir de l’enfance. Lorsqu’il décidera de structurer un mouvement politique activiste au début des Années 60, il le formera sur le modèle de la JGSU et dans le but de contrôler la rue. Ainsi, la chemise bleue qui était portée par les militants de « Jeune-Europe » entre 1962 et 1964 n’a rien à voir, comme certains journalistes stupides et mal informés l’ont écrit, avec la « Phalange espagnole », mais bien avec l’Organisation antifasciste de la JGSU, dont l’activité principale était d’empêcher les réunions publiques et les meetings des mouvements fascistes belges de l’époque « REX »  et le « VNV ».

A la même époque, Jean Thiriart fréquente également la mouvance d’une revue anarcho-syndicaliste qui s’appelait « LE ROUGE ET LE NOIR ». Les activités de Thiriart vont rapidement, au sein de la JGSU s’orienter vers les opérations de renseignements que celle-ci développe contre les Organisations fascistes en Belgique. Thiriart va alors participer, suivant le témoignage qu’il m’en a laissé, à une opération d’infiltration au sein d’un autre grand mouvement fasciste belge de l’époque « la légion nationale » où il parviendra même à devenir l’adjoint du major Ubagh qui dirigeait le Service d’information de celle-ci. Ce qui sera, selon les dire de Thiriart, d’un grand apport pour le Service de renseignements de la JGSU.

* Question – Karel Huybrechts : C’est alors qu’il adhère au « Ficht Bund »et qu’il s’initie à la géopolitique ?

Luc MICHEL :

C’est effectivement dans ce cadre là que Thiriart va franchir un pas décisif dans sa formation politique. Il entre en effet en contact avec le « Fichte Bund », une Organisation culturelle allemande que dirige depuis Hambourg le docteur Kessemeier. Thiriart me parlera à ce sujet « d’un tournant capital dans sa vie politique ». Le « Fichte Bund » est une curiosité au sein de l’Allemagne nationale-socialiste. C’est en effet un organisme issu du mouvement « communiste national » de Wolfheim et Lauffenberg qui s’était développé à Hambourg au début des années 20. Tout d’abord comme fraction importante au sein du « KAPD », le « Parti communiste ouvrier allemand », qui est à l’époque le grand rival au sein du « Komintern » du « KPD », le « Parti communiste allemand » de tendance spartakiste, ensuite hors de celui-ci avec des organismes comme la « Ligue des communistes » et précisément  le « Fichte Bund ».

* Question – Karel Huybrechts : Etonnant, lorsque l’on connaît l’opposition des nationaux-bolchéviques au IIIe Reich et au Nazisme ?

Luc MICHEL :

Effectivement il est en effet à noter que les Organisations nationale-communistes ou nationale-bolcheviques allemandes se sont dans leur immense majorité directement opposées au National-socialisme et que l’on retrouve leurs animateurs au sein des grands réseaux de résistance active au National-socialisme comme « l’Orchestre rouge » d’Arvid Arnach  et d’Harro Schulze-Boysen, le « Réseau Widerstand » de Niekisch, et bien d’autres encore.

Mais certains organismes, notamment en matière culturelle, vont, eux, rejoindre ce que l’on appelait à l’époque l’ « opposition intellectuelle intérieure », où vont se livrer comme le « Réseau Hilsher » à des opérations d’infiltration et d’aide à la résistance au sein de l’appareil d’état et particratique national-socialiste, et singulièrement de la SS.

Le « Fichte Bund » représente l’une de ces tentatives de maintenir au sein de l’Allemagne nationale-socialiste des pôles de résistance ou tout simplement de survie.

Les Trotskistes belges, notamment, feront la même chose en 1940-44 à l’AGRA, une association politico-culturelle de la collaboration belge notamment. En effet c’est au « Fichte Bund » que Thiriart va découvrir la géopolitique et les grandes théories développées notamment en Allemagne à l’époque par Hausoffer sur l’opposition entre Terre et Mer et sur les thèses de Anton ZISCKA, un grand géopoliticien allemand de l’époque, aujourd’hui méconnu sur la nécessité d’unifier l’Europe sur une base grand-continentale eurasiatique autour d’un pôle russo-allemand. C’est une ligne politique qui guidera l’action de Thiriart jusqu’à la fin de sa vie.

* Question – Karel Huybrechts : et après 1940 ?

En ce qui concerne l’engagement politique de Thiriart après 1940, je m’en tiendrai à des faits qui sont souvent méconnus et que les journalistes et les historiens qui ont critiqué Thiriart ont toujours passé sous silence. Le fait principal, c’est la réhabilitation de Jean Thiriart en 1958, complète et définitive, fait extrêmement rare en Belgique pour des faits de guerre, opérée par la Cour d’appel de Bruxelles (arrêt 1354 / 58) et approuvée par un grand résistant, le ministre de l’intérieur Pierre Vermeilen. Réhabilitation totale et rétroactive, qui en droit belge ou français efface non seulement les condamnations et leurs effets, mais interdit leur simple mention. Parmi les pièces du dossier de réhabilitation présenté figurait notamment la fourniture de passeports et faux papiers au Réseau de résistance de tendance gaulliste que dirigeait la mère de Jean Thiriart en Belgique et en France et pour laquelle elle reçut notamment la légion d’honneur.

Dans un droit de réponse au quotidien « LA CITE » (Bruxelles, 2 novembre 1984), Thiriart écrivait notamment ce qui suit : « En matière politique on peut condamner mais on ne peut juger. L’évocation de ma condamnation de Conseil de guerre a un caractère diffamatoire. En effet, la Cour d’appel – tribunal civil plus serein – m’a réhabilité le 16 décembre 1958 (…) Je suis donc un citoyen belge respectable. Mes idées peuvent agacer ou indigner. J’accepte qu’on les critique ou qu’on les combatte. Mais je ne puis accepter qu’on m’oppose comme argument une condamnation du Conseil de guerre (…) En 1940, j’avais 18 ans. La Cour d’Appel qui savait tout sur moi m’a réhabilité. Je vous saurai gré d’en tenir compte ».

* Question – Karel Huybrechts : Une équivoque est aussi parfois soulevée au sujet de la dénomination « jeune Europe » adoptée par Jean Thiriart pour notre organisation entre novembre 1961 et fin 1964. Pourrais-tu nous éclairer sur l’origine de celle-ci ?

Luc MICHEL :

Il faut aussi lever cette autre équivoque sur l’appellation de « Jeune-Europe » que porta notre Organisation entre 1962 et le début de 1965 et l’utilisation qui est faite en tant que logo interne du symbole de la « Jeune-Europe » de 1833. Les références qui sont en effet faites par Thiriart ou le PCN, le sont exclusivement à la « Jeune-Europe » du grand révolutionnaire européen et italien, socialiste, Giusepe Mazzini, qui créa en 1833 l’une des toutes premières Organisations révolutionnaires pan-européennes sous le nom de la « Jeune-Europe » et qui regroupait à l’époque la « Jeune Italie », la « Jeune Suisse », la « Jeune Pologne », la « Jeune Allemagne » et la « Jeune Belgique ».

D’où l’utilisation comme emblême, qui est le logo interne de notre Organisation encore aujourd’hui, de cinq flambeaux dont les flammes se rejoignent.

Pas plus Thiriart que le PCN ne font référence aux divers mouvements ayant aussi porté l’appellation « Jeune-Europe » dans les Années 1919-1945, comme certains ont pu l’écrire erronément et dans un but de diffamation. Et en particulier au mouvement français « Jeune-Europe » de 1941-44. Dans « LA NATION EUROPEENNE » de février 1969, Thiriart a explicitement condamné la Jeune-Europe de 1941 et l’escroquerie politique et morale qu’elle représentait, notamment vis-à-vis des jeunes idéalistes qui avaient cru au mirage de l’Europe allemande.

* Question – Karel Huybrechts : Quelle est la position de Thiriart sur la pseudo « Europe allemande » exaltée par certains idéologues du IIIe Reich ?

Luc MICHEL :

Thiriart a, au cours de son action politique, toujours condamné clairement et nettement l’Europe allemande comme une « escroquerie politique ». En 1964 particulièrement dans les colonnes de l’hebdomadaire « JEUNE-EUROPE » (n°176, 27 mars 1964), il écrivait ce qui suit : « Il existe hélas toute une faune intellectuelle qui croit lutter pour l’Europe en ressassant toute une collection de souvenirs littéraires du Fascisme ou du National-socialisme (…) je dois mettre en garde de façon formelle des jeunes contre l’erreur capitale qui consisterait à confondre l’Europe unitaire national-communautaire que nous construisons avec la succession de l’Europe allemande. Je suis fréquemment effrayé par la fascination qu’exerce le romantisme d’une hypothétique Europe national-socialiste qui n’a en fait jamais existé. Nous avons connu de 1940 à 1945 une Allemagne national-socialiste, mais pas une Europe national-socialiste. Ce fut d’ailleurs toute la tragédie historique. Hitler préférait suivre les conseils de Sauckel plutôt que de l’intelligent Otto Abetz. L’Europe de Hitler de 1944 était aussi illusoire que l’Europe Atlantique de 1964 (…) Le National-socialisme a été le dernier et gigantesque phénomène du nationalisme allemand mais en aucun cas n’a été le premier phénomène de l’Europe. De 1939 à 1945, par la force des choses, l’Allemagne a porté le destin de l’Europe, comme la France l’avait porté avec Bonaparte, comme Charles-Quint l’avait porté. Mais de là à identifier l’Allemagne de 1942 ou la France de 1812 avec l’Europe, il y a un pas qu’il ne faut en aucun cas franchir, par respect pour la réalité (…) Le littérarisme pseudo-européen qui cherche à plonger les racines de l’Europe dans la mythologie fasciste rend un très mauvais service à notre cause. Le littérarisme nostalgique doit être combattu qu’il soit le fait de jeunes qui croient découvrir une révolution – qui n’était pas européenne – ou qu’il soit le fait d’anciens collabos qui veulent vider leur bile ».

* Question – Karel Huybrechts : Un autre mythe est celui du « passage de Thiriart au Trotskysme » ?

Je tiens enfin à dégonfler une autre baudruche : le mythe du « passage de Jean Thiriart au Trotskisme » à la fin des années 30. Cette fausse information, absurde, est due au journaliste belge Manuel Abramowicz. Et elle est notamment propagée par certains groupuscules barbouzards franco-belges et qui se veut sur ce genre de foribole ou délire. Abramowicz est lui issu des milieux trotskistes et sionistes de gauche. Il a milité notamment à la « Jeune garde socialiste », la JGS, qui était l’Organisation de jeunesse après 1960 de la mouvance trotskiste belge de tendance pabliste. Abramowicz en a donc déduit, de façon tout à fait fausse, que le JGSU d’avant 1940 était elle aussi trotskiste. En fait, la JGS était socialiste jusqu’au milieu des années 30, elle passa sous le contrôle du Komintern sous le nom de « Jeune Garde Socialiste Unifiée » après 1935, c’est dans celle-ci que Thiriart fit ses premières armes militantes. La JGS redevint de 1945 à 1960 l’Organisation de jeunesse du « Parti socialiste belge ». Largement infiltrée par les Trotskistes à la fin des Années 50, celle-ci fut exclue des rangs de la mouvance socialiste belge et devint alors l’Organisation de jeunesse trotskiste dans laquelle Abramowicz devait militer.

Lorsque je dis que s’il s’agit d’un mythe absurde, c’est bien entendu parce que Jean Thiriart considérera toujours Staline comme l’une des grandes références politiques du vingtième siècle et l’une des grandes figures politiques du siècle. Thiriart insista toujours sur le fait qu’il était « de tempérament un stalinien ».

* Question – Karel Huybrechts : Dans les Années 1983-1990, le PCN affirme à plusieurs reprisesqu’il n’est « pas une résurgence de Jeune Europe », qu’il « recueille de manière extrêmement critique l’héritage politique de Jeune Europe [et que] l’héritage assumé par le PCN ne se limite en aucun cas à cette Organisation ». Pourquoi cette distenciation ?

Luc MICHEL :

Vous faites effectivement référence à la vision extrêmement critique que nous avons des premières années de notre Organisation transnationale entre le début des années 60 et le début de 1965, c’est à dire la période où notre Organisation portait le nom de « Jeune-Europe ». Il est exact que nous recueillons de manière extrêmement critique l’héritage politique de ces années-là. Vous n’ignorez pas que Jean Thiriart n’exerçait pas un contrôle absolu sur l’Organisation lors de ses premières années.

La période qui va de 1962 à 1965 et qui est précisément celle de « Jeune-Europe » voit en effet s’opposer deux lignes :

–         une ligne révolutionnaire pan-européenne qui est dirigée par Jean Thiriart,

–         et une ligne opportuniste et droitière belgo-française.

L’action de Thiriart, de 1961 jusqu’à la fin de 1964, visait à éliminer cette aile droitière. Il y parviendra avec un succès complet à la fin de 1964, où la ligne révolutionnaire s’impose comme seule expression de notre Organisation.

* Question – Karel Huybrechts : Ce qui explique le changement de nom de nom en PCE début 1965 ?

Luc MICHEL :

Oui ! Thiriart, et c’est extrêmement symbolique et révélateur, et malheureusement absolument pas souligné par la plupart de ceux qui ont étudié son action dans les années 60, change immédiatement le nom de l’Organisation début 1965 en « Parti Communautaire Européen », le PCE. Ces changements de structures et d’orientations politiques, qui correspondent à une prise en main absolue de notre Organisation par la Ligne Thiriart, se traduit également dans notre presse puisque l’hebdomadaire « JEUNE-EUROPE » fait place rapidement à la revue « LA NATION EUROPEENNE », qui connaîtra également des éditions italienne et espagnole.

* Question – Karel Huybrechts : Le PCE préfigure donc le futur PCN de 1984 ?

Luc MICHEL :

Si nous sommes extrêmement critique en ce qui concerne la période « Jeune-Europe », puisque nous nous référons pour cette époque qu’à la ligne et aux enseignements de Thiriart, nous sommes en parfaite harmonie idéologique et politique avec le PCE et « LA NATION EUROPEENNE », dont le PCN a assumé, à partir de 1984, et en accord avec Thiriart lui-même, la majeure partie des orientations doctrinales, idéologiques et stratégiques. Avec le PCN, notre Organisation a connu une seconde jeunesse et un nouveau départ politique.

* Question – Karel Huybrechts : Que se passe-t-il entre 1969-70, qui voit la fin du PCE, et la naissance du PCN en 1983-84 ?

Luc MICHEL :

Comme la plupart des observateurs de la vie politique de Jean Thiriart, vous semblez ignorer  que celui-ci avait également une intense activité syndicale et j’y reviendrai.

A la fin des années 60, notre Organisation est en crise. Il y a notamment une opposition très vive entre Thiriart et certains jeunes cadres français et italiens qui souhaitaient s’investir dans le mouvement étudiant issu du mai 68 européen et dans lequel Thiriart ne voit qu’un « accès de fièvre » dû à une jeunesse turbulente.

A partir de 1970, Thiriart, avec certains militants, se replie sur des activités de type syndical dans l’optique de revenir un jour sur le terrain politique.

Dans son dernier article pour « LA NATION EUROPEENNE », titré « L’Europe, un acte d’intelligence », en février 1969 (n° 30), il décrit clairement son projet, qui est de former hors de l’action militante un cadre politique pour revenir ensuite sur la scène révolutionnaire : « Pour écouler une voiture, il faut un bon vendeur, un bon représentant. Ce vendeur relève des techniques persuasives. Mais avant lui, il a fallu quelques dizaines de d’ingénieurs qui, eux, relèvent du domaine rationnel, logique. En ce moment même, des milliers de petits vendeurs proposent des tas d’Europe, dont pas une n’est en état de prendre la route, dont pas une n’a même été achevée sur l’épure. La principale conclusion, pour aujourd’hui, est la nécessité de la structuration d’un groupe indépendant de la clientèle électorale. Il y a très peu de chance de faire l’Europe à travers le raisonnement. Il y en a déjà plus à travers le raisonnement. Personnellement, j’estime néanmoins la persuasion comme une voie bouchée (…) La voie de la persuasion, c’est la voie de l’enlisement. Je pense quant à moi que l’unité européenne pourrait se faire par un mélange (variable selon la circonstance) entre la persuasion et la violence – avec une dose dominante de violence – et dans un « climat tragique – non pas dans l’actuel climat trivial. Ce sera un viol consenti après un moment d’émotion, ou plus exactement dans un moment de panique. Si cela se fait, cela ne pourra se faire par des marchands de voitures. Mais avant que cela ne se fasse, il faudra ouvrir quelques milliers de têtes à des concepts classiques de la politique de l’Etat, de politique d’intérêts, de la politique de pouvoir, de la politique laïque et lutter contre les fumées et les brouillards des politiques de contestation (le « socialisme » parlementaire en Europe ne peut exemple pris en passant – subsister qu’en parasitant le néo-capitalisme : c’est un phénomène-type de parasitisme-symbiose), des politiques sentimentales, des politiques « religieuses », des politiques littéraires vertuistes… Nous devons avoir sous la main une équipe de têtes convaincues de l’Europe-fusion (par opposition à l’Europe-addition) et préparées à une Europe-Etat ».

L’interview qu’il donna en 1975 aux « CAHIERS DU CDPU », la seule des années 70, notamment sa conclusion, si vous la relisez, vous donnera aussi de nombreuses clés de ce qui est alors sa démarche. Mais, et comme je l’ai souligné ailleurs, on ne pratique une opération d’entrisme dans un syndicat avec une Organisation politique qui est elle-même en sommeil, cela revient à l’euthanasier !

* Question – Karel Huybrechts : C’est ce que vous appellez « les années noires » ?

Luc MICHEL :

 A la fin des années 70, notre Organisation, qui vit alors une crise profonde et oui, des années noires, n’est plus constituée que d’un petit réseau de militants de fidèles autours de Thiriart, qui diffusent certaines circulaires, et qui se sont investis dans des activités de type syndical. A partir de la fin des années 70, Thiriart recommence à écrire publiquement et à énoncer ce qui vont devenir les thèses euro-soviétiques , qui seront popularisés par le PCN après 1984.

* Question – Karel Huybrechts : Comment s’est fait le nouveau départ avec le PCN et ton arrivée aux commandes ?

Luc MICHEL :

La réorganisation du Communautarisme européen autours du PCN et avec la création de celui-ci, s’est faite bien entendue avec l’accord et l’aide de Thiriart. Ce nouveau départ s’est fait sur un accord politique très simple.

Thiriart ne souhaitait plus s’engager dans l’activisme politique et son entourage familial, aussi bien son épouse que ses enfants, qui avaient extrêmement souffert de son engagement total des années 60, le confirmait dans ce choix.

Je ne voulais pas de mon côté voir mon leadership contesté sur la partie militante de notre activité.

Nous avons donc pris un accord qui n’a jamais posé aucun problème, ceci jusqu’au décès de Thiriart.

Thiriart écrivait sans aucune censure dans la presse et dans les éditions de notre Organisation, et moi je dirigeais celle-ci sans qu’il intervienne publiquement dans mes décisions ou les orientations que je faisais adopter.

* Question – Karel Huybrechts : Thiriart a pourtant aidé directement le PCN ?

Luc MICHEL :

Thiriart, bien entendu, n’a pas hésité à plusieurs reprises à s’impliquer dans nos activités ; il a notamment – exemples parmi beaucoup d’autres-  participé au dépôt de nos listes électorales à Bruxelles en 1985, organisé la couverture médiatique en 1985 de l’occupation de l’ambassade des Etats Unis à Bruxelles par nos militants à l’occasion du quarantième anniversaire d’Hiroshima et Nagasaki. Il nous a également fourni une importante aide financière et matérielle au cours des premières années de notre activité et à joué un rôle de conseiller politique écouté.

* Question – Karel Huybrechts : Qu’entends-tu par le fait que le PCN assume son héritage beaucoup plus vaste que celui de « Jeune-Europe » et du PCE ?

Luc MICHEL :

Votre question sur le fait que l’héritage assumé par le PCN est beaucoup plus vaste que celui de « Jeune-Europe » et du PCE est intéressante. En effet, j’ai personnellement, et c’était des préoccupations qui intéressaient peu Thiriart dans les années 60, veillé à établir la généalogie de notre Communautarisme européen et de notre Organisation. J’ai notamment en 1985 publié « LE PARTI HISTORIQUE REVOLUTIONNAIRE », où j’expliquai la filiation qui nous liait aux Jacobins, aux révolutionnaires socialistes du XIXème siècle, aux révolutionnaires russes, aux théories de Gramsci sur le « Prince collectif ». Et bien entendu, j’ai établi la filiation qui nous lie directement au Parti bolchevique, esquissé par Lénine dans « QUE FAIRE ? ». Et au KOMINTERN transnational et à ses « Brigades internationales » de la Guerre d’Espagne.

Le parti issu de « QUE FAIRE ? » est en effet la matrice d’où le PCN est directement issu. Et en ce sens, nous assumons également l’héritage du Parti bolchevique et du KOMINTERN, avec son modèle d’organisation révolutionnaire transnationale. C’est le plus souvent passé sous silence par les observateurs de notre action politique en Europe occidentale.

* Question – Karel Huybrechts : Une question sur les influences idéologiques maintenant. Certains observateurs ont écrit qu’ » il y a une nette influence du livre de Jean-Pierre Faye, LANGAGES TOTALITAIRES qu’en lisant les textes de Thiriart, remontant à la période du « national-bolchevisme européen », lui aussi avait été marqué par la parution en 1979 de la thèse de Louis Dupeux sur le national-bolchevisme de Weimar. Est-ce une impression fausse, erronée, ou non ?

Luc MICHEL :

Cette impression est, en ce qui concerne Jean Thiriart lui-même, absolument fausse. Votre interprétation par contre n’est pas inexacte en ce qui me concerne notamment. Dans les années 60 on ne parlait pas bien entendu de « national-bolchevisme ».

Dans les faits même, Thiriart a esquissé une synthèse idéologique qui s’inscrivait dans la droite ligne du national- bolchevisme russe et allemand des années 20 et 30, mais il s’agissait d’une synthèse volontariste et non pas de l’imitation du passé.

Lorsque certains politologues comme Jean-Yves Camus, évoque le « national-bolchevisme de Thiriart » dans les années 60, ils commettent une grave erreur d’interprétation. Thiriart évoque souvent le « National-communisme » à partir du milieu des années 60 ; il n’entend pas par là sa propre Organisation, mais bien les tendances qui se développaient à cette époque en Europe de l’Est, en Roumanie, en Pologne, en RDA, en Yougoslavie et également en Russie, et il y voyait l’apparition d’un phénomène politique qu’il mettait en rapport avec sa propre action politique. Dans la conception de Thiriart, le « national-communisme » était alors la version est-orientale de l’idéologie politique qu’il développait à l’Ouest sous le nom de « Communautarisme européen ».

Thiriart n’a pas était influencé ni par Jean-Pierre Faye, ni par la thèse de Dupeux. C’est en fait moi qui les lui ait fait découvrir au début des années 80. Il y a vu, avec intérêt, des idéologies parentes de son communautarisme.

Dans mon INTERVIEW A KORWEL SAWINSKI et dans la THESE LARBANOIS, je m’explique longuement sur la découverte ds les années 60 par nous de NIEKISCH, pris de celle de l’EURASISME toujours par nous au milieu des années 80. Thiriart a d’autant moins été influencé par Faye que c’est lui qui le premier redécouvre et parle du National-Bolchévisme allemand et de Ernst Niekisch, dans sa revue L’EUROPE COMMUNAUTAIRE en 1964, soi cinq ans avant que Faye ne publie ses langages totalitaires…

* Question – Karel Huybrechts : Et en ce qui te concerne ?

Le livre de Jean-Pierre Faye « LANGAGE TOTALITAIRE » a par contre eu une influence importante sur toute une génération politique. Le premier qui y fait référence publiquement est d’ailleurs Yannick Sauveur dans une étude méconnue réalisée dans le cadre de ses études à l’université de Paris Sorbonne. Sauveur y explique que l’idéologie de l’ « Organisation Lutte du Peuple » est la version moderne du National-bolchevisme des années 20.

L’OLP est une organisation dans les Années 70, non issue ou liée à notre organisation transnationale. Mais qui avait repris et déformé – une partie des thèses de Thiriart.

J’ai moi-même été influencé fort jeune par la lecture du livre de Faye, au milieu des Années 70, où je cherchais un débouché politique à un activisme dont je percevais déjà les limites.

* Question – Karel Huybrechts : Tu as rencontré Faye lui-même en Libye, je crois ?

Luc MICHEL :

Pour l’anecdote, j’ai pu effectivement m’entretenir longuement avec Jean-Pierre Faye en avril 1997 en Libye, à l’occasion d’un Symposium sur la globalisation qui s’est tenu à Tripoli et Syrte. Faye me fit part de sa surprise de découvrir qu’un courant politique s’inscrivait dans la perspective de ses recherches de l’époque.

* Question – Karel Huybrechts : Faye prétend aujourd’hui le contraire ?

Luc MICHEL :

Oui. Dans une interview donnée en 2010, où on l’interrogeait sur cette rencontre en Libye. Parlons franchement. Faye est le prototype de l’intellectuel parisien. Arrogant, prétentieux. Et lâche ! En Libye, il n’était pas apprécié. Nous avons longuement discuté. Et il n’a jamais contesté notre version des faits pendant 13 ans. J’ajoute qu’il y a de nombreux témoins encore en vie. Dans cet entretien de 2010 il évoque aussi une photo, publiée en page Facebook. Où nous discutions ensemble en Libye.

Il affirme que cette photo, où règne un climat détendu et amical, aurait « été prise à son insu ». Je précise que je possède plusieurs photos du même diner. Et que la table est constituée aussi entre autres de Roger Coudroy et de Me Marcel MANVILLE, avocat, fondateur du MRAP – Le Mouvement Contre le Racisme et pour l’Amitié des Peuples.

* Question – Karel Huybrechts : Dans cet entretien de 2010, Faye évoque aussi Ernst Niekisch et dresse un parallèle entre Niekisch et toi…

Luc Michel :

Effectivement. Que te dire là-dessus ? Sinon que ce parallèle, je le prend moi, d’où il vient et un titre d’honneur ! Et que l’antipathie entre Faye et moi est mutuelle et réciproque…

* Question – Karel Huybrechts : Faye affirme encore en 2010 qu’il aurait été seul à redécouvrir Niekisch dans les années 60. Contrairement à ta version de 1987 ?

Luc MICHEL :

Pour la petite histoire, et nous sommes peut-être en face du serpent qui se mord la queue, il me dit avoir commencé à écrire « LANGAGE TOTALITAIRE » au milieu des années 60, après avoir découvert des textes qui sont probablement ceux de Thiriart à l’époque de « Jeune-Europe ».

Je tiens en effet à souligner l’esprit novateur de Jean-Pierre Faye, au sein de l’Université française qui a soulevé une problématique, qui sera ensuite reprise dans une perspective limitée et intellectuellement malhonnête par les groupes universitaires français qui s’inspirent des travaux de Dupeux.

Mais le sujet a aussi été également étudié par une école universitaire anglosaxone plus ouverte et plus honnête, qui a examiné, avec notamment les politologues Argursky et Brandenberger, le National-bolchevisme russe. Le malheur de Faye fut qu’il n’est pas un historien mais un linguiste et que les milieux de la recherche historique, s’ils ont largement pillé ses « LANGAGES TOTALITAIRES », notamment Dupeux, n’ont jamais reconnu la dette intellectuelle qu’ils lui devaient.

* Question – Karel Huybrechts : Mais qu’en penses-tu ?  Tu t’es en effet montré fort critique sur les travaux de Dupeux…

Luc MICHEL :

J’en viens à la thèse de Dupeux. Si cette thèse est une lecture incontournable pour la quantité impressionnante de textes et d’informations historiques qu’elle apporte aux lecteurs, elle n’a eu aucune influence sur notre courant et ceci pour une raison bien simple : parce que la perspective dans laquelle Dupeux se place est combattue par la vision idéologique que nous avons de notre propre courant. Dupeux inscrit en effet ses thèses dans le sillage des théories sur la pseudo Révolution conservatrice, qui sont issues du livre du politologue de la Nouvelle droite allemande Armin MÖHLLER.

Celui-ci, de façon arbitraire, a prétendu regrouper sous le nom de « Révolution Conservatrice » deux phénomènes qui pour nous s’opposent et divergent :

–         d’une part, la droite conservatrice allemande, c’est à dire un milieu qui va des nationaux-socialistes jusqu’au conservateurs réactionnaires, racistes et anticommunistes des années 1860-1940,

–         et d’autre part, l’apparition d’un phénomène de Nationalisme-révolutionnaire – le terme est forgé en 1919 par le communiste national Lauffenberg – moderne dans l’Allemagne des années 20 et 30, qui culmina avec le national-bolchevisme et dont les grandes figures sont des hommes comme Niekisch, Paetel ou encore Jünger.

La thèse de Dupeux et de ses épigones est particulièrement malhonnête parce qu’elle s’arrête à la prise de pouvoir par Hitler en 1933. Lorsqu’on étudie l’histoire des nationaux-bolcheviques et des nationaux-révolutionnaires sous le IIIe Reich, on voit que ceux-ci se sont opposés au Nazisme et on pris une part prépondérante à la résistance active contre celui-ci. Le premier auteur qui a attiré l’attention sur ce fait est Gérard Sandoz dans son livre « L’AUTRE ALLEMAGNE », où il parle à propos des résistants nationaux-bolcheviques « comme ceux qu’il ne faut pas oublier ». J’ai moi-même longuement étudié dans plusieurs travaux, cette résistance et son importance. Et j’ai placé celle-ci dans la perspective idéologique qui est aujourd’hui celle du PCN, c’est à dire non pas d’une Révolution conservatrice, mais bien au contraire d’un combat contre les deux aspects du système que sont la Réaction et le bloc régimiste lui-même.

Vous noterez que les travaux universitaires anglo-saxons sur le National-bolchévisme russe, ceux d’Agursky ou de Brandenberger notamment – soigneusement occultés par l’Université française ! – publiés depuis le début des Années 90 s’inscrivent dans la même perspective idéologique que celle ouverte par le PCN, précurseur indiscutable, au début des Années 80. Et infirment totalement les thèses de Möhler, Dupeux ou de la Nouvelle droite.

* Question – Karel Huybrechts : Qu’est-ce qui a provoqué le retour à la politique de Jean Thiriart dans les années 80 ? Il y a certes les informations sur sa rencontre avec Luc Michel ou Yannick Sauveur, mais plus spécifiquement ?

Luc MICHEL :

Comme je vous en ai déjà fait la remarque, et comme l’immense majorité des chercheurs qui ont étudié l’action politique et la vie de Jean Thiriart, vous ignorez complètement un des aspects principaux de celui-ci ; à savoir, que si Thiriart était un théoricien et un militant politique, il était aussi une grande figure du combat syndical.

Pendant toute sa vie, ses activités syndicales et ses activités politiques ont été menées souvent en parallèle et hélas, le syndicalisme a souvent pris le pas sur la politique.

J’ai dévoilé cet aspect de la vie de Thiriart dès 1993 dans la brochure « IN MEMORIAM »,  mais ceci a suscité peu d’intérêt. J’ai bien entendu reçu à la mort de Thiriart, une partie de ses archives syndicales et notamment de la presse importante qu’il publiait et dans lequel on retrouve de nombreux thèmes issus de ses théories politique. Je vous ai déjà expliqué comment s’était, dans la pratique, opéré son retour à la politique.

Il était parfaitement conscient de l’échec de sa tentative politique des années 60 et de son essoufflement stérile dans le repli sur le syndicalisme des années 70. Un des éléments qui a amené Thiriart à reprendre une activité politique ouverte, a bien entendu était la thèse de Yannick Sauveur – sur « Jean Thiriart et le National-communautarisme européen » (terme inexact par ailleurs) présentée en 1978 devant l’Institut d’Etudes Politiques de l’Université de Paris –, dont il a immédiatement compris l’intérêt après sa présentation et qu’il a commencé à diffuser à compte d’auteur en plusieurs langues à partir de 1980, puis à grande échelle avec mes Editions MACHIAVEL (qui ont précédé le PCN de 2 années) à partir de 1982.

Je voudrais souligner à ce sujet, parce que cela est aussi souvent mal interprété, que Sauveur a réalisé sa thèse sans avoir consulté Thiriart et sans rencontrer celui-ci. Vous y verrez que si plusieurs anciens cadres, notamment de l’époque « Jeune-Europe », sont interviewés, Thiriart n’y apparaît absolument pas. Sauveur a effectué sa thèse à partir de collections de revues et d’archives de presse. Ce n’est donc nullement une hagiographie de commande. Ce qui explique bien entendu les perspectives parfois limitées de cette thèse par rapport à ce que José Cuatrado Costa ou moi-même avons pu écrire après 1983. Pour l’anecdote, j’ai moi-même rencontré pour la première fois Jean Thiriart en 1982 dans le cadre d’une démarche visant à obtenir cette thèse. J’étais déjà à l’époque, un fidèle des théories de Thiriart dont j’avais découvert les livres « L’EUROPE UN EMPIRE DE 400 MILLIONS D’HOMMES » et « LA GRANDE NATION » au milieu des années 70. Comme vous le voyez, un événement, comme la publication  d’une thèse universitaire, peut être dans le cadre d’une action politique un déclic. C’est ce qu’a été la thèse Sauveur.

Comme je vous l’ai aussi déjà expliqué, nous nous sommes mis rapidement d’accord, d’une part sur le partage des tâches de notre activité politique et idéologique commune, et également sur le fait qu’il fallait apporter au Communautarisme européen un nouveau départ. Celui-ci s’est effectué progressivement, avec la publication de la revue « CONSCIENCE EUROPEENNE », avec l’action d’une association politique qui s’appelait « NATION-EUROPE » et qui a préparé le lancement du PCN, et bien entendu avec la naissance du PCN en juin 1984 et son apparition publique à l’occasion d’une élection sénatoriale partielle à Charleroi en octobre de la même année.

Thiriart était parfaitement conscient qu’on ne pouvait mener le combat des idées sans une Organisation pour les porter sans le militantisme. Dans une lettre circulaire (il en publiait depuis 1974 …) du 3 février 1984, il évoquait « la première tentative ratée (« Jeune-Europe ») » et « la seconde qui s’impose (Luc Michel) » (les commentaires entre parenthèses sont de lui).

Dans la pratique nous nous sommes organisés pour faire face à ce partage des tâches. Les vastes locaux que nous avions ouverts à Charleroi, et où sera établie notre centrale jusque 1990, abritaient nos imprimeries, le travail militant, les réunions, et nous avions installé dans les bureaux de Jean Thiriart à Bruxelles, un secrétariat politique qui occupait plusieurs personnes, financés par ses activités commerciales, et qui finira par occuper un étage complet de son bâtiment de l’avenue Louise à Bruxelles.

C’est là que s’organisait le travail éditorial, notamment des Editions Machiavel, la diffusion de nos thèses en sept langues, et une activité de lobbying  importante vis à vis de la presse et des décideurs, notamment en Europe de l’Est, qui portera ses fruits après l’effondrement de l’Union soviétique en 1991.

VOIR aussi mon INTERVIEW SAWINSKI sur nos contacts et notre impact en URSS dès 1983 …

Au début des années 90 lorsque nous ouvrirons les second bureaux de notre centrale, à Bruxelles cette fois, et y installeront notre secrétariat-général, pas très loin des bureaux de Thiriart, tout cela sera regroupé dans notre nouveau bâtiment.

* Question – Karel Huybrechts : Peu après les meetings communs que vous avez tenus en France à la fin des années 80, il aurait, à en croire vos textes, mis un terme à sa collaboration afin de se recentrer sur ses activités professionnelles. Pour un homme né en 1922, cela peut paraître étonnant. Que pouvez-vous en dire ?

Luc MICHEL :

Votre question reflète de grandes lacunes dans votre connaissance de la vie et de l’action de Thiriart. Je vous ai déjà exposé la part importante des activités syndicales de Thiriart et hélas – je dis hélas par rapport à la vie de notre Organisation – prépondérante que celles-ci ont tenu dans sa vie.

Thiriart est le fondateur et jusqu’à sa mort le leader européen incontesté du syndicalisme dans le domaine de l’optique et de l’optométrie.

Fondateur du premier syndicat de ce type dans la Belgique de la fin des années 40, Thiriart va transformer rapidement celui-ci en une Organisation syndicale unitaire pan-européenne, présente également en Europe de l’Est, et qui tiendra dans les années 70 et 80 notamment des congrès à Leipzig en Allemagne de l’Est qui était alors une des capitales de l’industrie optique.

En 1987, Thiriart est face à un important défi syndical. La renégociation, dans le cadre de la Communauté Européenne d’alors, de la position professionnelle des opticiens et optométristes. Il s’agissait d’un vieux combat qu’il menait depuis  quatre décennies contre le monde médical et la prétention de celui-ci au monopole dans le domaine de l’optique. Thiriart qui avait déjà à la fin des années 70, était l’un des principaux experts qui avait contribué aux dispositions européennes en la matière va donc devoir engager un nouveau combat, qu’il est seul à pouvoir mener afin de sauver les intérêts syndicaux de sa profession. Il va alors s’engager dans un combat, qui va occuper quatre longues années de ses activités entre 1987 et 1991. Bien entendu, au départ, ni lui, ni moi nous ne pensions que cette action allait prendre une telle ampleur. A cela s’ajoutera une série de procès en Belgique contre l’Ordre es médecins, qui y étaient liés.

A la même époque, le PCN doit  tirer les conclusions de ses premières années de combat politique et notamment le fait qu’il nous ait été impossible à cette époque de déboucher notamment en France ou en Italie sur une Organisation de type pan-européen. Les essais que nous menons alors en France mais également en Espagne n’ont pas été concluants.

En France, les esprits ne sont pas encore prêts, notamment notre rencontre avec des gens comme Yves Bataille, ne donnent rien de concret. En Espagne, la mort prématurée de José Cuadrado Costa, met également un terme provisoire à nos activités. Le Deuxième congrès du PCN en 1986 tire les conclusions de ce mauvais climat politique, et nous décidons de ré-enraciner notre action dans le militantisme de terrain afin de renouveler nos cadres et de nous donner une base qui permette un combat de longue durée.

J’ai lu parfois, notamment  sous la plume de certains provocateurs, que le PCN aurait disparu entre 1987 et 1991 ; il vous suffira d’aller lire les collections des journaux belges de l’époque pour voir qu’il n’en est rien. Nous avons notamment, à Charleroi et à Bruxelles, une intense activité politique qui nous vaut souvent la une des journaux. Nous essayions, à l’époque, de nous profiler comme l’Organisation n° 1 regroupant les ennemis du Système.

C’est également l’époque où nous sommes engagés dans des combats écologistes de terrain avec l’association « Europe-Ecologie ».

Nous devons également alors faire face à des défis d’ordre financier. La politique telle que nous la menons, avec des locaux, des imprimeries, des permanents, une presse à large,  diffusion coûte cher. Les sacrifices de nos militants et l’aide financière de Thiriart ont très vite trouvé leurs limites. Avec l’aide de militants issus de la mouvance Maoïste, et qui ont une certaine expérience dans ce domaine, nous créons alors un secteur commercial dépendant de notre parti, dans le domaine de l’imprimerie, de la presse et de la publicité. C’est ce qui nous permettra de financer l’activité du PCN depuis cette époque et de nous permettre de disposer de moyens d’une certaine importance, qu’on souligné même nos adversaires les plus résolus (nos concurrents ont des boîtes postales, nous avons de vastes locaux…).

Tout cela évidemment ne se fait pas en un jour. Et alors que Thiriart mène son combat syndical, je mène moi-même avec beaucoup de nos cadres une entreprise de structuration et d’enracinement. Ceci en parallèle avec un combat politique de terrain.

Au début des années 90 et 91, Thiriart sort alors de son dernier combat syndical victorieux et nous même nous commençons à disposer des moyens nécessaires à nos ambitions européennes.

C’est à cette époque que nous relançons avec Thiriart une activité politique vers les milieux nationaux-révolutionnaires et également vers les milieux radicaux du Communisme russe alors en plein effondrement.

* Question – Karel Huybrechts : Quelle réflexion est à l’origine du fait que Jean Thiriart, ce qui s’est imposé comme dogme, ait été défini comme le « Marx de la révolution européenne » ?

Luc MICHEL :

Nous n’attendions pas le décès de Jean Thiriart aussi tôt ; quelques jours avant son décès, je menais avec lui d’ailleurs , une importante action politique visant à utiliser les retombées du voyage qu’il venait d’effectuer en Russie, et Thiriart m’avait dit lui-même qu’il était encore « au moins là pour quinze ans à faire enrager le système ».

La question de son décès a donc posé la question de la place qu’il convenait de lui donner au sein de notre idéologie et de notre mouvance. La réflexion est partie d’un article publié en 1987 dans la revue française « LE PARTISAN EUROPEEN » et qui présentait Thiriart comme le « Lénine de la révolution européenne ». Cette perspective nous semblait historiquement et politiquement fausse, tout simplement parce que Lénine  s’il avait bien défini l’idéologie bolchevique, avait également conduit le Parti bolchevique à la victoire du Grand Octobre ; Thiriart, lui, avait fait le choix de se consacrer à une œuvre théorique importante mais de laisser à d’autres la conduite de l’action militante.

Nous avons donc replacé sa figure et son œuvre dans une perspective historiquement plus correcte et qui vise à faire de Thiriart le Marx de la Révolution européenne, puisque comme Marx, Thiriart est le créateur d’une école doctrinale et d’une vision du monde globale qui a survécu à son fondateur et qui, nous en sommes persuadés, nous conduira un jour à la victoire politique et à la révolution.

La question du dogme ou plutôt ce que nous préférons appeler l’orthodoxie politique et idéologique et doctrinale, était l’une des préoccupations de Thiriart. Celui-ci s’est longuement exprimé à ce sujet dès 1965 – dans « L ‘EUROPE COMMUNAUTAIRE », la revue doctrinale du CEPSE – et la publication de la première version de son livre « LA GRANDE NATION » sous-titrée « Esquisse du Communautarisme National Européen » vise précisément à définir cette orthodoxie doctrinale. Certains de ceux qui, après la mort de Thiriart, se sont présentés comme ses « disciples », en tronquant son œuvre ou en retenant que certains aspects partiels, ont oublié la volonté de Thiriart, de voir son œuvre et son action s’inspirer de cette orthodoxie.

Thiriart, ce n’est pas seulement une théorie politique, c’est une vision du monde avec des perspectives éthiques et morales. On ne peut donc en extraire ce qui semble bon et en occulter ce qui dérange. Thiriart utilisait lui-même d’ailleurs une formule qui nous semble remarquable ; il expliquait qu’au sein de notre Organisation, tout le monde mangeait le même menu et qu’il n’était pas question de manger à la carte. Je crois que cela traduit et sa pensée et la fidélité à cette orthodoxie que nous incarnons depuis son départ.

Nous devons également souligner que parce que justement, nous avons combattu avec Jean Thiriart, et que nous l’avons côtoyé, nous avons gardé à celui-ci une figure humaine. Notre vision de son œuvre est parfois critique et elle tient compte de l’évolution des affaires du monde. Ceux qui aujourd’hui ont tendance à déifier Jean Thiriart, sont ceux qui, d’une part, le trahissent idéologiquement, mais aussi qui l’ont combattu avant son décès. Au-delà de certaines opérations de  provocations politiques, il y a aussi une tentative, pour nous inacceptable, de récupérer un homme de principe et d’orthodoxie pour des combats qu’il avait directement condamnés de son vivant. Je pense en particulier à certains groupuscules de la nouvelle droite belge ou russe, à certaines sectes barbouzardes franco-belges, à certains milieux évoliens en Italie ou en Espagne.

VOIR AUSSI mon INTERVIEW SAWINSKI sur Douguine …

* Question – Karel Huybrechts : La mise en place des courants est-elle inspirée du système trotskyste ?

Luc MICHEL :

Votre question est  intéressante. Vous savez qu’idéologiquement nous sommes des adversaires du Trotskisme tout simplement parce que nous voyons dans la construction du socialisme dans un cadre national, telle qu’elle a été exposée par Staline et à laquelle Trotsky s’est opposé, la seule possibilité de construire un socialisme viable. Le socialisme est et a été viable où il était national, en Union Soviétique, en Yougoslavie, en Chine, au Vietnam, à Cuba. Trotsky est l’inventeur du vocable « national-communisme » à la fin des années 20, et il l’a créé justement pour s’opposer à ce qui est l’un des fondements de notre  idéologie.

Par ailleurs, et sur le terrain, nous sommes régulièrement opposés à des Organisations trotskistes, à leur sectarisme, à leur volonté de récupération et d’endiguement du mécontentement au profit du Système.

Cela ne nous empêche pas de souligner l’excellence des tactiques d’Organisation et d’infiltration développées par les mouvances trotskistes. Cela ne nous empêche pas non plus d’étudier les acquis des théories de Trotsky, notamment au niveau de la théorie des révolutions.

La structuration, les méthodes employées par les Organisations trotskistes, ont été directement conditionnées par le milieu dans lequel les trotskistes devaient combattre. Minoritaires, disposant de peu de moyens, ils ont donc développé d’excellentes tactiques qui correspondent également aux défis auquel doit faire face une Organisation comme la nôtre. Nous avons donc longuement étudié les méthodes trotskistes. Et nous les avons modifiées et adaptées à notre ligne et à notre style politique.

La mise en place du Système des courants au sein du PCN qui sont au nombre de sept – National-bolchevique, Léniniste européen, Syndicaliste révolutionnaire, National-révolutionnaire, Vert radical (écologistes), Socialiste radical, Démocrate européen (démocratie directe et citoyenneté européenne) – est tirée des enseignements de l’existence de courants dans les Organisations trotskistes, de la façon dont cela leur a permis de se développer, de recruter beaucoup plus largement que leurs bases. Nous utilisons également d’autres  méthodes développées dans la mouvance trotskiste, notamment la structuration d’un certains nombres de militants dans une section hors cadre, des militants qui ne peuvent apparaître directement ou qui rendent plus de services, notamment par leur présence dans différents appareils d’état ou chez des adversaires politiques. Nous avons, enfin, tiré la leçon de l’entrisme tel qu’il est mené par les trotskistes.

Sur le plan syndical, et en liaison également avec les leçons tirées de l’enlisement syndical de notre Organisation dans les années 70, nous avons prôné l’entrée de nos militants partout où ils le peuvent comme militants dans les Organisations syndicales les plus radicales ; de nombreux cadres du PCN sont délégués syndicaux, parfois à un niveau important, cela est souvent méconnu. Cela s’inscrit dans le cadre d’une structure très souple qui s’appelle l’Action Syndicale Communautaire – ASC-PCN – et qui vise à harmoniser notre action à ce niveau. La Charte de l’ASC-PCN est, du point de vue social, une des plus avancées en Europe et elle combat particulièrement le racisme, ainsi qu’un phénomène hier typiquement belge, mais qui vient d’entrer massivement dans L’Union Européenne avec les Etats baltes et leurs législations ethniques anti-russes, la discrimination ethnique et linguistique, que l’on oublie trop souvent de dénoncer.

Nous nous sommes refusés à l’entrisme tel qu’il est pratiqué chez les trotskistes, c’est à dire visant à envoyer clandestinement des militants prendre le contrôle ou créer des fractions dans des Organisations de masse plus importantes. Nous pensons, et l’histoire des trotskistes récupérés par le Système est là pour le démontrer, qu’il s’agit là non seulement d’une perte de temps mais d’une façon de pourrir rapidement la conscience révolutionnaire des militants.

Nous ne pensons pas cependant que la présence dans des Organisations de masse ne soit pas nécessaire. Il est bien certain que pour un parti de cadres comme le nôtre, pour une minorité d’avant-garde, il est toujours bénéfique d’exercer une influence d’autant plus importante que nous sommes organisés et formés dans des structures plus larges. Notre collaboration, par exemple, avec le Mouvement International des Comités Révolutionnaires, en Libye, relève de cette action ; mais à la différence des Trotskistes, nous le faisons toujours en apparaissant au grand jour.

* Question – Karel Huybrechts : Cela, comme parfois chez ces derniers, n’a-t-il pas eu pour conséquence un turn-over militant (ceux-ci rentrant et ressortant, par exemple, car décontenancés par le discours « antifa », alors qu’ils proviennent de cette mouvance) ?

Luc MICHEL :

Absolument pas ! Pour une raison très simple, c’est que nous avons une cohérence idéologique et doctrinale globale.

Nous ne recrutons pas au hasard n’importe qui pour faire n’importe quoi, mais nous amenons des militants à un niveau supérieur de conscience politique et à une action unitaire contre le Système. Je dois souligner particulièrement que les meilleurs militants dans le combat anti-nazi de notre collectif « Résistance européenne – Europaïcher Widerstand » furent le plus souvent des militants issus de la mouvance nationale-révolutionnaire. Et ceci s’explique bien simplement.

Déjà, dans l’Allemagne de 1933-1945, le même phénomène était apparu, sans aucun doute parce que des militants nationaux-révolutionnaires, parce qu’ils connaissent parfaitement l’idéologie de l’extrême droite réactionnaire ou  du néo-nazisme, sont les plus à même d’en détecter les dangers et de les combattre.

Nous avons aussi placé notre combat anti-nazi dans le cadre d’une re-fondation idéologique. Nous l’avons inscrit dans des racines profondes et historiques, qui est le combat de résistance anti-hitlérien des nationaux-révolutionnaires et des nationaux-bolcheviques allemands dans les années 1930-1945. C’est dès lors en renouant avec leurs racines idéologiques et historiques que les militants nationaux-révolutionnaires combattent l’extrême droite ou le néo-nazisme.

Ce qui singularise la démarche du PCN, c’est justement de distinguer clairement la direction de l’extrême-droite de sa base militante et de son électorat, dont les membres sont souvent honnêtes et animés d’un sentiment antisystème. Notre but est de les récupérer et de les retourner pour, aujourd’hui combattre l’extrême-droite et demain lutter contre le Système.

La ligne du PCN s’inscrit clairement dans la tactique prônée au début des années 30 par le KOMINTERN pour lutter contre le Nazisme en Allemagne. En 1930, le KPD, le « Parti communiste allemand », publiait sa « Déclaration pour la libération nationale et sociale du peuple allemand » dans laquelle il s’adressait directement aux électeurs et aux militants du parti nazi, en vue de les détacher de ce dernier et de les amener à lutter pour la révolution. Cette ligne, qui fut malheureusement engagée trop tard, rencontra un certain succès et bon nombre de militants récupérés dans les rangs nazis deviendront de bons communistes ou de sincères nationaux-communistes et se sacrifieront dans la résistance contre l’Hitlérisme.

Cette ligne n’était nullement opportuniste ni limitée à l’Allemagne, elle fut l’une des stratégies fondamentales de l’Internationale communiste dans les années 20 et 30. Plusieurs congrès du KOMINTERN furent consacrés à la jonction de la question nationale et de la question sociale qui est une des caractéristiques de la démarche bolchevique. Fait qu’ont oublié nos « communistes de margarine » comme les appelait STALINE, qui sont nombreux dans les rangs de la « nouvelle gauche » recyclée dans  la mouvance antifasciste.

Un recueil de textes de LENINE s’intitule d’ailleurs « DE LA LIBERATION NATIONALE ET SOCIALE ». La préface soviétique de l’édition française de ce livre publié en 1986 par les Editions du Progrès à Moscou, précise que « le présent  recueil comprend les textes intégraux ou partiels, d’interventions, d’articles, de lettres ou d’écrits de LENINE sur la question nationale, la liaison de la lutte de classe du prolétariat et de la lutte contre l’oppression nationale, de la lutte pour le socialisme et de la lutte anti-impérialiste des peuples asservis pour leur libération ». Il s’agit de textes qui vont de la naissance du « PARTI OUVRIER SOCIAL DEMOCRATE DE RUSSIE » à la mort de LENINE.

Vous noterez aussi que la ligne du groupe « GEGNER » de Schulze-Boysen en 1932-33 s’inscrivait dans la même démarche.

Notre ligne en ce domaine n’est donc nullement opportuniste ou conjoncturelle, elle s’ancre profondément dans la stratégie du courant auquel nous appartenons.

Il ne s’agit pas chez nous de lignes divergentes mais bien d’une ligne stratégique et tactique, vertébrée idéologiquement par notre théorie du Front Noir-Rouge-Vert. Vous noterez d’ailleurs que cette tactique qui vise à arracher les militants nationalistes à la réaction d’extrême-droite fut déjà celle du Komintern en Allemagne avec la ligne de libération nationale et sociale du KPD, et aussi en Italie, où en 1934, Togliati, le leader italien du Komintern, publiait une Adresse aux militants fascistes.

Bien loin de se situer dans une idéologie d’extrême-droite, la ligne du PCN inscrit ses fondements dans la tradition du combat du Komintern contre l’extrême droite, le fascisme et le nazisme.

Copyright : Luc MICHEL (2004),

tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés.

* NOTE 1
Le quotidien belge (flamand) De Morgen écrivait en décembre 2022 : « Michel va désormais agir en entrepreneur géopolitique pour élargir la sphère d’influence russe en Afrique : « un groupe d’entrepreneurs indépendants, nous avons inventé le concept de guerre hybride. Nous travaillons avec la Russie, mais nous ne payons pas pour les services de sécurité. Une guerre hybride se nourrit de différentes manières : militaire, diplomatique et communicationnelle. Je fais ce dernier. « Et puis il y a le Belge, le militant Luc Michel, avec qui tout a commencé. Lui, avec l’idéologue Jean Thiriart (…) avec l’organisation des élections, a façonné les instruments de la reconquête de l’empire soviétique et a créé un espace, de Lisbonne à Vladivostok ». Michel se réjouit des résultats des derniers référendums dans les républiques populaires de Louhansk, Donetsk…

* NOTE 2
Lire ausi :
Esquisse de la guerre hybride. L’action de Luc Michel en tant qu’ ‘entrepreneur géopolitique indépendant’
https://www.palestine-solidarite.fr/esquisse-de-la-guerre-hybride-ix-mon-action-en-tant-qu-entrepreneur-independant/

* NOTE 3
Une précision. Les politologues sérieux, pas les flics de la pensée politique des Universités franco-belges (qui sont souvent des flics tout court, correspondant des polices politiques), classent dans une même catégorie, qu’ils nomment le « National-communisme », des mouvements politiques comme le KPRF russe, le régime de LUKASHENKO au Belarus ou encore le SPS de MILOSEVIC ou la JUL, la « Gauche Unie Yougoslave » de Mirjana MARKOVIC. ET bien entendu notre PCN, qui idéologiquement et politiquement, les a tous précédé de presque une décennie. Lorsque nous étions représentés au Parlement Wallon, en Belgique, dans les Années 1996-98, la questure nous avait étiquetés «national-communistes» (le FN y était étiqueté « extrême-droite »). En 1996-98, nous avions des élus, dont un député, au Parlement Wallon, au Parlement de la Communauté française de Belgique et de 1996 au 1999 au Conseil provincial du Hainaut.

* NOTE 4
« Une tentative du même M. THIRIART (la Jeune-Europe des années 60) a essuyé un échec. Au début des années 80 ses adhérents ont fait une nouvelle tentative: le PCN a été fondé en Belgique (…) Le parti des adhérents de M. THIRIART c’est quelque chose dans le genre de l’Internationale de Marx (…) (A. IVANOV dans ROUSSKI VESTNIK, « Les idées de Jean Thiriart: un commentaire nécessaire », Moscou, septembre 1992).

# ЕВРАЗИЙСКИЙ СОВЕТ ЗА ДЕМОКРАТИЮ И ВЫБОРЫ (ЕСДВ)/
EURASIAN OBSERVATORY FOR DEMOCRACY & ELECTIONS (EODE):
http://www.eode.org/
https://www.facebook.com/groups/EODE.Eurasia.Africa/

Source : Luc Michel