Une embarcation du système d’allègement de la marine se connecte à la rampe de déchargement d’un navire du Military Sealift Command lors d’un entraînement logistique interarmées à terre (JLOTS) au large de la Virginie, le 4 août 2022. [Photo: Navy Chief Petty Officer Justin Wahl ]

Par Andre Damon

Les États-Unis vont déployer un millier de soldats au large de la côte de Gaza dans le but nominal de construire un quai flottant pour l’aide humanitaire, a déclaré le Pentagone vendredi.

C’est le président Joe Biden qui a annoncé la construction de l’embarcadère lors de son discours sur l’état de l’Union, jeudi. «J’ordonne à l’armée américaine de mener une mission d’urgence pour établir un quai temporaire en Méditerranée, sur la côte de Gaza, qui puisse accueillir de grands navires transportant de la nourriture, de l’eau, des médicaments et des abris temporaires », a-t-il déclaré, ajoutant qu’il n’y aurait « pas de troupes américaines sur le terrain ».

L’affirmation que la construction de la jetée flottante est motivée par des préoccupations humanitaires est un prétexte transparent. Toute la population de Gaza pourrait être nourrie en l’espace de quelques jours si Israël ne bloquait pas l’entrée de nourriture dans l’enclave assiégée. Alors que les responsables américains déclarent qu’Israël devrait «faire plus» pour permettre l’entrée de nourriture à Gaza, les États-Unis soutiennent, en continuant d’envoyer armes et fonds à Israël, la politique génocidaire de celui-ci, qui consiste à affamer le peuple palestinien.

Cette semaine, la presse américaine a indiqué que le gouvernement Biden avait envoyé plus de 100 cargaisons d’armes distinctes à Israël depuis le 7 octobre, en les divisant en petites tranches pour éviter le contrôle du Congrès.

Au mieux, la construction de ce dock flottant est un exercice massif de relations publiques, conçu pour détourner l’attention du soutien permanent des États-Unis au génocide de Gaza. De plus, le dock ne sera pas opérationnel avant deux mois, pendant lesquels deux millions de Gazaouis continueront à mourir de faim.

Mais il a aussi d’autres connotations plus inquiétantes. Un millier de soldats américains seront déployés sur la bande de Gaza, augmentant ainsi le niveau de participation de l’armée américaine à la guerre. Le Pentagone voit dans cette guerre génocidaire l’occasion d’exercer ses capacités de débarquement amphibie et de logistique, qu’il prévoit d’utiliser dans de futures guerres, dans la région et dans le reste du monde.

À ce jour, les largages américains de nourriture à Gaza ont été dérisoires. Pat Ryder, porte-parole du Pentagone, a déclaré qu’environ 11.000 repas étaient livrés par jour, pour nourrir une population affamée de plus de 2 millions d’habitants. Vendredi, trois autres enfants sont morts de malnutrition à l’hôpital al-Shifa de la ville de Gaza, ce qui porte à 23 le nombre de décès confirmés dus à la famine.

Dans son discours de jeudi, qui a pris la forme d’une diatribe belliciste contre la Russie, l’Iran et la Chine, Biden a approuvé les actions d’Israël dans son assaut contre Gaza. Il a déclaré qu’«Israël a le droit de s’en prendre au Hamas» et que le conflit devait se terminer par la capitulation totale de la résistance face à Israël. «Le Hamas pourrait mettre fin au conflit en se rendant», a-t-il déclaré.

Biden a exonéré Israël de viser la population civile en déclarant que «le Hamas se cache et opère parmi la population civile comme des lâches, sous les hôpitaux, les crèches et tout ce qui s’y rapporte». Les responsables israéliens ont clairement indiqué qu’ils avaient l’intention de lancer une attaque de grande envergure sur Rafah avant le début du ramadan, qui commence dans moins d’une semaine. Les négociations sur un cessez-le-feu ayant échoué, Joe Biden a déclaré vendredi qu’il était «difficile» de parvenir à un accord de cessez-le-feu avant le Ramadan, ce qui revient à admettre qu’une invasion de Rafah aura lieu.

Alors qu’Israël impose des conditions de famine à Gaza, la maigre aide qui parvient à passer est souvent mortelle. Cinq enfants ont été tués lorsqu’un parachute n’a pas fonctionné lors d’un largage d’aide humanitaire vendredi, tandis que les forces israéliennes ont de nouveau ouvert le feu sur des personnes dans un centre de distribution de nourriture à Gaza-ville le même jour. Le mois dernier, les forces israéliennes avaient tiré sur des personnes faisant la queue pour recevoir de la farine, tuant plus de 100 personnes dans ce qui a pris le nom de «massacre de la farine».

Lors d’une conférence de presse, Michael Fakhri, rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l’alimentation, a déclaré aux journalistes à Genève que les largages de nourriture par les États-Unis et les projets de construction d’un port flottant étaient «absurdes» et «cyniques». Il a ajouté qu’ils «ne contribueront guère à soulager la faim et la malnutrition et ne feront rien pour ralentir la famine».

Il a ajouté: «Les pays qui utilisent les parachutages et ces jetées maritimes le font généralement, voire toujours, lorsqu’il s’agit d’acheminer de l’aide humanitaire en territoire ennemi». Mais Gaza est complètement assiégée par Israël, l’allié le plus proche de Washington dans la région et son plus grand bénéficiaire d’aide militaire.

La directrice de la communication de l’Office de secours et de travaux des Nations unies (UNRWA), Juliette Touma, a déclaré:

«Il existe un moyen plus facile et moins coûteux d’acheminer des fournitures indispensables dans la bande de Gaza…] C’est en passant par la route, notamment en envoyant davantage de camions depuis Israël vers la bande de Gaza… Ça ne doit pas être tellement difficile. Il y a plusieurs points de passage reliant Israël à la bande de Gaza, et c’est ce qu’on utilisait avant le début de la guerre.

Le Comité international de secours (IRC) a déclaré à Al Jazeera: «Une jetée temporaire dont la construction pourrait prendre des semaines ou des largages aériens ne sont pas une solution». Il a au contraire appelé Israël à lever «son siège de Gaza, à rouvrir ses points de passage, notamment ceux de Karni (Al-Muntar) et d’Erez (Beit Hanoon) dans le nord, et à permettre la circulation sûre et sans entrave des travailleurs humanitaires et de l’aide, y compris celle du carburant, de la nourriture et des fournitures médicales».

Les Palestiniens cités par les médias américains ont condamné ce plan. «Au lieu de nous dire qu’ils vont construire un port pour nous aider, qu’ils arrêtent de [fournir] les armes avec lesquelles on nous tire dessus» a déclaré à Reuters Hassan Maslah, un Gazaoui déplacé et réfugié à Rafah.

(Article paru en anglais le 9 mars 2024)

Source : WSWS
https://www.wsws.org/fr/…